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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 10 septembre 2011

J'en ai terminé d'être une victime expiatoire de l'idiotie de cette humanité..

Je me sens comme dans un no man's land mental.. C'est quoi ça? -Un trou perdu dans ma tête.. Je n'ai aucun plaisir à rien faire.. Aucun plaisir à travailler, aucun plaisir à jouer de la guitare, aucun plaisir à lire, aucun plaisir à écrire, aucun plaisir durant mes petits moments de libertés.. On dirait que tout m'est égal.. qu'il n'y a aucun sens à rien..

Je regardais l'écureuil mort écrasé devant chez moi hier matin avec le sang encore dégoulinant de la bouche et ça me faisait chier de voir qu'il y a des estis de crétins insensibles pour faire ça, mais en même temps, que je me disais, on va tous finir par y passer.. Mourir tout de suite ou plus tard n'a pas plus de sens.. Ce que je veux dire, c'est que pour une personne mourir à 80 ans n'a pas plus de sens que mourir à 20 par exemple.. On pense tous un jour qu'on va avoir vécu sa vie et qu'on sera prêt à partir comme dans les films, mais ça n'arrive jamais ça..

On a tous notre propre petit scénario sur notre mort ou notre retraite.. mais invariablement, on est dans le champ en ce qui concerne la réalité.. On arrive à la retraite avec toutes sortes de maux, ce qui fait qu'on n'en profite pas vraiment, ou on y arrive bien portant et on s'ennuie.. Les mécanismes ne sont pas autres qu'en notre jeune âge.. Comme si on pouvait un jour être satisfaits!

Or, j'en ai connu des vieux, et il continuent, même cancéreux, à chialer et à faire des coups bas même à un âge plus qu'avancé! Ils continuent à surveiller les spéciaux sur les bananes et osent compétitionner pour quoi que ce soit comme si c'était encore des jeunots.. Bref, de l'extérieur, ils se comportent comme s'ils n'avaient rien compris, comme s'ils n'avaient aucunement la sagesse qu'on pourrait leur prêter, et c'est exactement ainsi que nous nous démènerons à leur âge, aussi insensés que nous le sommes en ce moment, alors que nous courrons en tout sens sans raison comme des poules sans tête..

Je constate tout cela, mais en même temps je n'ai même pas la volonté de m'y opposer moi-même.. Toutefois, je ne suis plus dans la compétition, semble-t-il, pour rien.. Je me sens comme mort.. Aboulique.. Je me sens hors-circuit.. de tout..

Je constate à quel point la douleur fait son œuvre afin de nous détacher de la vie.. Lorsque celle-ci me tenaille, à divers endroits dans mon dos et mon cou, c'est tellement brûlant et lancinant que je deviens comme l'esprit engourdi.. je ne suis plus capable de rien faire à part être une boule de souffrance.. J'essaie parfois d'y remédier par l'alcool et les antidouleurs, mais je me retrouve alors l'esprit aussi dévasté, et c'est ainsi que mon projet de connaissance est voué, malgré moi, à l'échec.. Je n'ai pas le temps ni l'argent ni rien pour faire ce que je veux faire.. mon projet grandiose s'il en est..

Et dans mon cas, comme j'ai toujours vécu, c'est tout ou rien, alors à mes yeux, je serai tout ou rien, et ce sera rien pour l'instant.. Mais je ne suis pas en train de dire que je suis découragé, loin de là.. Et pourtant, comment fais-je pour ne pas l'être alors que je sais que je ne mènerai pas mon projet à terme? Eh bien, vu que cette pulsion de connaissance ne me vient pas du dehors mais est en moi-même depuis que je suis tout petit, que ferais-je d'autre?.. je ne peux rien faire d'autre, c'est impossible pour moi.. alors je continue mon chemin..

Hier j'ai échappé un de mes tiroirs de bureau par terre, j'étais en crisse.. Je me suis alors résigné à faire le tri dans les paquets de photos et de papiers.. J'ai alors vu mes anciennes photos de carte de portier, de carte d'assurance-maladie et de carte d'université.. J'étais un beau gars.. mais c'est drôle, je ne m'étais jamais perçu de cette façon sur ces photos jusqu'à aujourd'hui.. Pourquoi me perçois-je différemment? -Probablement parce que je me sens vieux et fini.. Que je vois effectivement le contraste.. Ou que j'arrive à voir tout court? À me voir? À m'estimer moi-même? Car je n'ai jamais eu une forte estime de moi-même, et c'est encore mon problème aujourd'hui.. Mon problème récurrent, mon problème à vie.. qui m'empêchera toujours de prendre la première place.. Or, je ne vois même pas encore aujourd'hui que je suis toujours un beau bonhomme, mais différent, un peu plus vieux, et que je suis vraiment un intellectuel, alors que je ne me suis jamais considéré comme tel.. même plutôt, des fois, comme un manuel, alors que je n'ai jamais eu aucune crisse d'envie de rien faire de mes mains..

Je sais que ce problème me vient par le fait que mes parents ne m'ont jamais approuvé dans mes choix, dans mes goûts, dans mes talents.. Ils voulaient toujours que je sois autre chose.. quelque chose qui n'est pas moi.. comme un bon vendeur, un scientifique, un homme riche.. Ce qui leur importaient avant tout pour moi c'était que je fasse une job payante.. pas de faire ce que j'aime.. Ça, ils s'en câlissaient pour eux-mêmes, alors vous imaginez pour moi.. En plus, mon père avaient dû écourter ses études à ma naissance pour aller travailler et subvenir aux besoins de la nouvelle famille.. Et ce poids a dû reposer, je suppose, sur mes épaules toute ma vie.. Fallait que je paie d'être venu au monde trop tôt.. Aujourd'hui je pense que je ne méritais vraiment pas ce genre de parents-là.. ce que j'appelle, depuis que je me suis sérieusement penché sur leur cas, des parents toxiques..

Je me suis toujours fait rabaisser, relativiser, par toute ma famille.. Au décès de mon père, qui a fait de la chicane parce que je n'ai rien reçu et que tout est allé à ma sœur et à la câlisse de secte de mon père, j'ai décidé de ne plus parler à personne..

Cette maladie du mépris de soi, je me dis que c'est peut-être mes parents qui me l'ont inculqué par leur comportement avec moi, mais en même temps, je me dis que j'y suis aussi pour quelque chose, et que c'est comme dans ma nature, vu mes projets grandioses et mes ambitions démesurées, héroïques, que d'être inévitablement, implacablement, cruellement, voué à l'échec..

Puisque la réussite de mon projet est toujours aussi loin dans le temps, puisqu'il est énorme, complexe, intégral, encyclopédique, conséquemment, je ne suis encore rien dans le temps présent, et je ne serai jamais rien à mes yeux.. car ce ne sera jamais assez.. Bref, mon idéal, par définition, doit toujours être hors de portée.. et sera toujours hors de portée..

Cette maladie de l'idéal, je n'ai jamais réussi, finalement, à m'en débarrasser.. Je m'étais débarrassé de la maladie de la perfection il y a quelques années, mais celle-là, elle est tenace.. Je sais que mon père a vécu toute sa vie avec cette mentalité du sacrifice à l'idéal, à l'autre, à l'humanité.. et que cela le justifiait de ne pas s'occuper d'abord de ceux qui l'entouraient.. Pourquoi donc? -Parce que, par définition, l'autre est toujours «meilleur», plus «valable».. Pour quelle raison l'autre pourrait-il être meilleur que soi-même ou un proche? -Tout simplement parce qu'il est autre, c'est tout! C'est aussi ridicule que cela!

Pour illustrer mon propos, voici un problème d'éthique: « Deux personnes sont en train de se noyer. Une des deux personnes est mon enfant, l'autre est une pure inconnue. Or, je ne peux sauver qu'une seule des deux personnes, qui donc vais-je sauver et pourquoi?»

La réponse évidente est que je vais sauver mon enfant.. mais pourquoi donc? Ma réponse, la voici: parce que lui je le connais au moins, tandis que l'inconnu pourrait être le diable en personne! Bien sûr, il y a aussi les facteurs émotifs, génétiques, etc., qui viennent en premier lieu, mais je n'ai pris que le dernier critère.. le moins fort disons.. mais qui décide quand même en faveur de l'enfant..

Cependant, une personne qui est atteinte de la «maladie de l'idéal» répondra plutôt qu'elle va sauver l'inconnue à la place! Parce que l'autre par définition, l'humanité en général, est toujours meilleur, plus valable, et que le particulier, en l’occurrence «mon enfant», ne vaut rien.. Mon enfant, par définition, ne doit être et n'est, lui aussi, qu'un soldat au service d'un idéal abstrait et malheureusement, illusoire..

On voit bien ici d'emblée que le problème réside dans le fait d'estimer a priori l'autre meilleur ou plus valable qu'un autre mettons.. disons l'enfant.. Mais pourquoi, logiquement, estimerais-je comme «meilleur» quelqu'un d'autre que je ne connais absolument pas plutôt qu'une personne qui m'est proche et que je connais? Selon cette logique absurde, si je ne peux sauver qu'une seule personne dans une situation de noyade, je vais, à tout coup, sauver l'inconnu et laisser périr mon enfant..

Si je me démène tant pour mon projet grandiose au point que je ne vois rien à l’entour, c'est parce que je le fais pour que d'autres en profitent un jour.. Autrement dit, je suis en train de tout sacrifier, en l’occurrence moi-même et mes proches, à un idéal, aux autres, à l'humanité en général.. Moi-même dans tout cela, je ne suis rien.. et je ne serai jamais rien.. Je ne serai, toute ma vie, qu'au service de.. Je me considère en instrument, en objet, je me réifie.. Je ne suis pas un être humain, mais un objet à mes yeux.. un moyen, pas une fin.. Je dois m'oublier à tout moment, pour les autres.. au fond, des gens que je ne connais pas, et qui ne méritent pas nécessairement une once d'attention de ma part..

C'est ça que je me dis aujourd'hui: pourquoi je me démènerais pour des estis de pas bons? Des personnes mesquines, bas de plafond, qui ne pensent qu'à eux et à l'argent, qui n'ont aucun crisse d'intérêt pour la vérité, l'humanité ou la connaissance?

C'est pour cela que j'ai décidé que si mon projet venait à terme un jour, que je vais tout brûler et que personne n'en profitera jamais.. Dorénavant, je serai entièrement égoïste, et je l’assume..

J'en ai terminé d'être une victime expiatoire de l'idiotie de cette humanité pour laquelle je ne suis, et ne serai toujours, qu'une merde..

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