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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 14 octobre 2015

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Sur la parole de Félix Leclerc que la meilleure façon de tuer un homme c'est de le payer à ne rien faire, je dirais que l'on ne peut pas obliger un homme à ne rien faire en le payant. Faire quelque chose relève de la responsabilité de chacun, payé ou pas. La logique derrière cette parole du chansonnier c'est qu'il faut travailler lorsqu'on reçoit de l'argent, les assistés sociaux et les chômeurs sont des morts-vivants. Je dirais qu'il est davantage question ici de fierté que du fait même de travailler contre rémunération ou pas. Je dirais même qu'il y a un point encore plus sensible, c'est le fait d'être fier de ce que l'on fait. J'ai dit quelque part que l'on est libre seulement lorsqu'on aime ce que l'on fait. Or, aimer sa job parce qu'elle paie, mais se faire chier au possible dans son travail, ça va contre la liberté. Contrairement à Félix, je ne vois pas d’implication logique entre le fait de recevoir de l'argent et d'être alors obligé de faire quelque chose. Pour préciser la parole de Félix, je dirais de façon plus directe, mais plus révélatrice, que la meilleure façon de tuer un homme ce n'est pas de l'empêcher de travailler tout en le payant, mais de lui couper les vivres. La meilleure façon de tuer un homme c'est de réduire son argent à zéro, ou de le faire vivoter avec peu. C'est ça qui tue vraiment le monde. Donnez un million ou deux à n'importe qui, je vous garantis que la personne va trouver quoi faire de son temps. Alors je n'aime pas cette éthique du travail chez Félix Leclerc; je trouve qu'elle relève d'une autre de ces mentalités du bon vieux temps. Dans un certain avenir, la technologie sera si omniprésente qu'il y aura de moins en moins d'emploi. Certains scientifiques prévoient même une sorte de communisme technologique. Pensons-y: il est inévitable qu'un jour l'homme ne soit plus astreint à se lever tous les matins pour aller travailler. À moins d'une gaffe majeure, l'humanité devrait normalement s'acheminer vers la libération définitive du travail causée par le progrès. Un jour, chacun devra faire une croix sur le travail forcé. Nous serons alors payés à ne rien faire, comme disait le chansonnier. Allons-nous tous mourir pour autant? Je ne crois pas. Il va falloir développer une nouvelle façon de voir les choses et s'organiser des projets captivants et enrichissants. Je dirais même alors que c'est plutôt à ce moment que l'humanité va commencer à vraiment vivre. Le travail, c'est comme un fumeur qui a l'impression de pouvoir enfin respirer et de reprendre vie quand il tire la fumée sur sa cigarette à la pause. Il a l'impression que la fumée qu'il respire lui fait du bien et le relaxe, mais elle lui fait pomper le cœur et elle le tue. Le travail est juste un autre de ces poisons auquel il faut se déshabituer.

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