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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 13 octobre 2015

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Je n'ai pas le contrôle sur mon corps. Moi et lui ont fait deux. Il fait ce qu'il veut quand il veut. Je veux dormir: il ne veut pas. Je veux être alerte et réveillé: il ne veut pas. Je veux être en forme: il ne veut pas. Je n'ai pas faim: il veut manger. Je dois travailler: il veut jouer. Je veux écrire et composer des vers: il manque d'inspiration. Ni mon corps ni mon esprit ne sont à moi. Ils font ce qu'ils veulent quand ils le veulent. C'est pour cette raison que je trouve drôle ceux qui parlent tout le temps de discipline. Je ne sais pas c'est quoi. Je ne l'ai jamais su. Je ne le saurai jamais. Ils doivent avoir un corps et un esprit mécaniques. Être des machines. Moi je suis soumis à toutes les influences. En automne, je suis allergique aux feuilles d'arbres qui tombent et à l'herbe à poux. Ça me rend tellement malade que je deviens la tête comme une enclume. J’en perds toute mon énergie. L'été c'est le pollen et le soleil: je suis allergique aux deux. Et je supporte très mal la chaleur continue. Je supporte aussi très mal l'humidité. L'été pour certains, c'est le paradis, la libération, mais pour moi c'est l'enfer. Le printemps, j'aime pas non plus. Je n'aime pas l'ambiguïté neige-chaleur. Comme je n'aime pas l'ambiguïté pluie-soleil. La vision que je déteste le plus, qui me donne comme la nausée, c'est un sol et des pelouses mouillées, et un gros soleil en même temps. Le moment que je déteste le plus, c'est la transition pluie-ciel gris-nuages à gros soleil. S'il pleut, je préfère qu'il pleuve ad infinitum. S'il neige ou s'il fait tempête, je ne veux pas que la tempête arrête, et je sors marcher dans la tempête. Quand elle arrête je me sens vide. Comme la pluie, quand elle arrête. La seule saison où je suis confortable, c'est l'hiver. Mais les calorifères électriques me bouchent le nez. Alors tout est au plus froid supportable chez nous, et je m'habille. Je mets des couches de vêtements et je baisse les calorifères jusqu'à 17 Celsius. C'est à ce moment que j'aime prendre un bon café et lire un livre confortablement dans mon fauteuil tard le soir. Toutes sortes d'idées me viennent alors en tête. Je n'aime pas le jour, en général. Je supporte mal le jour. Le jour tue la pensée. Le jour est fait pour se tenir droit debout et travailler, fonctionner comme une machine. La nuit, je prends mon envol. La nuit, juste comme quand il ne faut pas, j'ai de l'énergie, de l'inspiration. Je vivrais toute ma vie la nuit assis dans un café à lire et écrire. Ou à l'aurore du matin avec une odeur de pain frais fait d'une boulangerie de quartier. Je vivrais toute ma vie à être non fonctionnel de cette façon. Mon corps produit beaucoup de chaleur, je ne sais pas pourquoi, et c'est très incommodant. C'est pour ça que je supporte mal l'été ou le printemps. Partout où je vais, il fait tout le temps trop chaud, dans les lieux de travail, les classes, je deviens fou. L'automne est une libération, sauf pour les allergies, qui sont parfois moins pires certaines années, mais pas cette année: cette année j'y goûte. L'automne avec l'hiver sont mes saisons préférées. J'aime aussi l'été, mais assez haut dans le nord. Loin de Montréal. Loin de toute cette chaleur étouffante et inévacuable de ville remplie de voitures, d'asphalte et de dioxyde de carbone. L'hiver j'aime me blottir contre ma blonde et mon chat dans un bon lit chaud avec dix couches de couvertures. J'aime mettre mes pantoufles en mouton et mes bas en laine et mon pyjama. J'aime m'emmitoufler l'hiver. Pas parce que j'ai vraiment froid, mais parce que je m'imagine que je suis frileux. Et je le deviens à force de m'emmitoufler. Je me souviens de l'époque où je prenais des douches sans eau chaude l'hiver, et où je portais un petit manteau de cuir sans doublure. La seule chose qui me sauvait de la grippe, c'était un beau foulard, assez mince mais efficace et très chaud, que j'avais trouvé sur le sol à l'université. Un foulard en laine d'alpaga. Je l'ai encore d'ailleurs. Je ne l'échangerais contre rien au monde.

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