Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 22 août 2021

Liberté et sécurité

On peut s'entendre pour dire que la sécurité n'a jamais été palpitante. Que le niveau de liberté est inversement proportionnel au niveau de sécurité. Que la vie oscille perpétuellement entre la douleur et l'ennui, comme le disait Schopenhauer.

Comment trouver remède à ce problème fondamental?

Peut-on trouver un juste milieu?

Pour commencer, nous pouvons établir que la liberté totale, autant que la sécurité totale, ne sont pas seulement incompatibles, mais illusoires.

On ne peut jamais être totalement libre ni totalement en sécurité, et encore moins les deux à la fois. Si nous voulons être plus en sécurité, nous devons couper sur la liberté, et si nous voulons être plus libre, nous devons couper sur la sécurité.

Liberté rime avec insouciance, en ce sens qu'on ne tient pas compte du danger, et cela nous rend facilement nostalgiques, mais c'est parce que nous oublions que la liberté rime aussi avec danger. Or, est-ce que les êtres humains aiment le risque, le danger? Le danger, à la limite, est l'ennemi ultime de notre liberté lorsqu'il nous atteint. Par conséquent, à l'intérieur de la liberté, on trouve la possibilité de sa propre négation. Plus on veut être libre, plus on joue le tout pour le tout, plus on met sa liberté en jeu, et plus on risque d'arriver à la non-liberté. Par contre, l'être humain n'aime le danger que s'il y a un risque appréciable de gain, autrement, il préférera la sécurité.

La liberté est un équilibre qui peut se renverser à tout moment.

Sécurité rime aussi avec insouciance, mais en ce sens qu'on n'a pas à tenir compte directement du danger, et par ce fait, produit l'ennui, le manque de défi, et paradoxalement, la paranoïa, afin d'éviter tout ce qui pourrait briser la prévisibilité, la non-liberté, alors que la liberté est la seule façon de faire le choix de la sécurité. Ici, on cherche à assurer le gain, à conserver, mais le seul moyen de parvenir à la certitude de la sécurité, c'est d'augmenter notre puissance contre les forces hostiles, et par conséquent d'augmenter le risque en multipliant les moyens de contrôle, qui sont autant de sources de défaillances.

On peut voir déjà que la liberté autant que la sécurité ne peuvent produire le repos, et le repos n'est pas le bonheur durable. Dans un cas comme dans l'autre, le danger rôde toujours. La sécurité a un potentiel explosif, en ce sens qu'elle opprime la liberté. Et la liberté a un potentiel destructeur, et même autodestructeur, en ce qu'elle ne tient pas compte de la sécurité.

Cependant, il y a une différence majeure: alors que dans la liberté j'affronte parfois directement le danger, dans la sécurité j'ai toujours le danger à l'œil, donc j'éprouve à la longue plus de souci.

Et comme nous ne croyons plus au Ciel et que nous avons davantage peur de la maladie et de la mort, nous penchons automatiquement vers la sécurité, qui est ultimement la mort de la vie.

Car si la vie a soif d'elle-même, elle a soif d'imprévisibilité.

Notre volonté de tout contrôler est un signe de notre épuisement en tant que civilisation, des valeurs qui se renversent en leurs contraires, et de notre décadence.

À cela il n'y a pas de remède, et c'est ici que la vie reprend ses droits pour le Nouveau.

La liberté aime ce qu'elle ne connaît pas.

La sécurité aime le connu.

La liberté et la sécurité sont comme deux mouvements opposés d'ouverture et de fermeture. D'ouverture toujours plus dynamique, de fermeture toujours plus rigide.

Quiconque veut sauver son âme la perdra, bienheureuse insécurité.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire