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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 28 août 2021

Ne lisez surtout pas Mein Kampf, car il est «mal écrit»

J'ai feuilleté le livre «Historiciser le mal», une réédition critique toute récente de Mein Kampf, assez volumineuse et très chère (200$). Ayant déjà lu le livre de Hitler, je n'avais aucune intention de l'acheter, mais j'étais tout de même curieux de voir l'apparat critique et les petites notes en marge et en bas de page.

Je vous parle de cela parce que cherchant une critique sur le livre, je suis tombé sur une courte entrevue à la radio de SRC avec Mark Fortier, un éditeur québécois, à propos de la sortie à venir de ce livre. Or, ce qu'on peut retenir de sa critique (qui portait surtout sur Mein Kampf comme tel finalement), c'est que le livre est «mal écrit», «laborieux», «décousu», «imbuvable», et qu'«on ne désarme pas Hitler avec des notes de bas de page». C'est ce qu'on appelle une critique sur la forme. Ce genre de critique est courant précisément à propos de Mein Kampf, je ne sais pourquoi. Nous n'avons jamais droit à une critique sur le contenu, la substance, mais seulement sur la forme. Qu'est-ce que cela aurait été si Hitler avait bien écrit son livre? On n'aurait plus dit un mot à son sujet? On l'aurait peut-être même encensé?

Une critique sur la forme peut être possible pour un roman, mais pas pour un écrit politique, surtout qu'Hitler n'était pas un littérateur, mais un ancien soldat qui avait un message assez direct et brutal à faire passer, trempé par la rage. Cette critique absolument non pertinente m'a fait penser aux moqueries sur Hitler d'un Carl Emmanuel Schmitt dans son roman La Part de l'autre. Dans ce roman, Hitler est dépeint comme un artiste raté, et il est ridiculisé de part en part. J'ai lu le roman au complet, mais j'ai vite compris qu'Hitler ne pouvait être aussi minable que ce romancier le prétendait, et j'étais dégoûté à la fin de me faire manipuler bassement de la sorte par cet auteur bien connu en France et ailleurs. En tous cas, s'il voulait «désarmer» Hitler en le ridiculisant de la sorte, il n'a pas réussi, et selon moi, il n'a plutôt réussi qu'à faire le contraire. Pourquoi donc? Parce qu'en ridiculisant quelqu'un, on le met de côté, et on ne l'étudie plus, autrement dit, on n'étudie plus les causes du mal, qui risquent alors de réapparaître dans l'avenir, une fois qu'on aura lu assez de bozos comme ce Schmitt.

On pourrait prendre n'importe quel auteur de génie et en faire facilement un pur crétin seulement en le critiquant sur son apparence, ses habitudes, ses lubies, ses prétentions, ses ratés. Je suis certain qu'on pourrait tourner un Einstein en ridicule, mais cela ne prouverait encore rien sur sa véritable valeur ou non-valeur. Comme si on essayait de discréditer un témoin à la barre en le critiquant sur son habit, sa coupe de cheveux, sa façon de parler; c'est une façon d'argument ad hominem, qui porte sur la personne comme telle, mais pas sur la véritable teneur de son propos, et je trouve que ce procédé est vraiment bas, et justement, minable.

Je me demande encore comment peut-on «mal écrire» un programme d'extermination de masse des juifs...

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