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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 20 juin 2011

La grande prison mentale de notre nouveau monde disciplinaire..

De quoi parler ce matin?.. Bonne question.. Évidemment, on est en quête de sujets.. Ça fait des années que j'utilise le même procédé: je n'ai rien à dire au départ, alors je tricote autour de cela et je finis par pondre quelque chose de potable..

Je m'en sors toujours par un tour de passe-passe quelconque.. Mais pas cette fois-ci.. Non..

Peut-être que mon café une fois prêt je pourrai commencer à écrire.. Qui sait? Mais pourquoi boire du café pour pouvoir écrire? Et mieux encore: pourquoi se forcer à écrire tout court? Par ennui? Parce que j'ai quelque chose à dire? Parce que je devrais avoir quelque chose à dire?

Ben non justement, je n'ai rien de plus à dire que les autres parce que je suis juste une personne ordinaire..

Ma vie est «ordinaire».. Quoi dire de différent et de palpitant d'une vie ordinaire?

Mon proprio m'énerve lorsqu'il passe son temps à trimmer son gazon, mais bon, qui n'a pas un proprio obsédé par sa pelouse?

Reste que c'est quand même drôle à raconter.. Cela dépend de la façon de le faire, du «style»..

On peut raconter n'importe quoi si on le fait avec style, c'est-à-dire avec son style..

Par exemple, lorsque le philosophe Zizek fait une longue réflexion sur les cuvettes.. On reste étonné, mais on se dit: si un philosophe peut faire un long discours sur les bols de toilette et s'en sortir, il peut parler de n'importe quoi, et cela, c'est une bonne chose.. Personnellement, je n'aime pas m'imposer de barrières par peur d'offenser mon public, ou les 3 ou 4 tarés qui m'écoutent ou me lisent..

Si j'ai une chose à dire aujourd'hui, c'est peut-être celle-là: que je crois aimer Rousseau.. Non, pas le comédien, mais le philosophe Jean-Jacques Rousseau!..

Pourquoi? Parce que je me souviens avoir feuilleté les Confessions il y a très longtemps, vers 14 ans je crois, et que j'avais aimé cela, ne connaissant rien alors des philosophes ni de la philosophie.. J'avais trouvé le livre dans un bazar, où je m'essayais quelques fois à chiper quelques trucs sans valeur à la grosse madame surmaquillée et borderline..

Ce n'est que plus tard que je me suis essayé à lire l'Émile de Rousseau, mais j'ai abandonné, le livre étant trop gros pour moi à l'époque.. Je trouvais ce livre bon aussi, mais quand même, ce n'est que lorsque j'en appris un peu plus sur le philosophe qu'il tomba dans mon estime.. En effet, il donnait des leçons sur la façon d'éduquer son enfant, mais lui-même avait renié les siens.. Je trouvais que cela était une profonde incohérence, mais bon, cela me faisait trop penser à mon père à cheval sur les beaux principes et qui finalement passait son temps à courir après l'argent et les belles femmes, et à travailler son image en se louant des voitures de luxe.. Tout dans le paraître, il est encore comme ça aujourd'hui.. Il n'a pas changé d'un iota même s'il est atteint d'un cancer qui l'emportera probablement bientôt.. Mais bon, pourquoi une personne changerait à la dernière minute alors que toute sa vie repose sur des conneries? Afin de ne pas perdre la face, elle doit assumer jusqu'au bout et continuer à jouer sa comédie, même si elle a compris, au fond..

Mais ça, pour moi, c'est encore plus digne du plus profond mépris.. Parce que la personne s'entête à ne pas vouloir reconnaître son erreur.. Par orgueil peut-être, comment savoir?

Bon.. Je suis rendu là parce que je disais que je croyais aimer Rousseau.. Pourquoi donc? Parce que je crois que nous sommes semblables par un certain côté.. En effet, je lis dans les Confessions: «J'aime à m'occuper à faire des riens, à commencer cent choses et n'en achever aucune, à aller et venir comme la tête me chante, à muser enfin toute la journée sans ordre et sans suite..»

Le philosophe Christophe Lamoure fait remarquer la disparition de notre vocabulaire du verbe «muser», qui veut dire «perdre son temps».. Selon Lamoure, cela en dit long sur le caractère sérieux et industrieux de notre époque.. Moi j'ajouterais de même: sur le caractère «disciplinaire» de notre société à notre époque.. En effet, qu'y a-t-il aujourd'hui de plus grave, voire de plus criminel que «perdre son temps»? Le temps n'est-il pas la chose la plus précieuse du monde? Et pourtant, nous idiots, nous ne profitons de rien en courant dans tous les sens comme des poules sans tête.. C'est quoi notre problème?

L'instauration de l'équation temps=argent a peut-être été la plus funeste de toutes..

Nous n'avons plus le droit de flâner dans l'existence, il faut travailler sans relâche, puisque «l'oisiveté est la mère de tous les vices», la prison n'est jamais loin si nous nous laissons le moindrement aller aux marges.. Et voilà la ruse des riches pour faire travailler les pauvres diables comme moi, mais les riches ne sont-ils pas les plus oisifs de tous?

Quel riche va s'atteler à une machine pour faire du travail manuel huit heures, douze heures, seize heures par jour? Ça prend quelqu'un qui n'a pas le choix et qu'on force pour faire ce genre de tâche en lui bloquant les issues.. Et voilà, vous l'avez votre réponse.. Alors, on s'en fout de l'«oisiveté», elle est loin d'être nuisible, et je dirais même qu'elle est plutôt profitable dans la mesure où elle nous permet d'explorer plus attentivement les choses, de lâcher les rênes à notre esprit et à notre imagination, elle permet de nous découvrir nous-mêmes au lieu d'être toujours au service d'un autre, et cela, dans notre nouveau «monde disciplinaire», qui est comme une grande prison mentale, merci Foucault, c'est peut-être le plus grand luxe qu'on puisse se permettre..

Quittez votre machine et lisez donc ce livre en marchant..





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