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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 10 avril 2021

Croire sur parole

Marshall Applewhite, chef de la
secte ufologiste Heaven's Gate
Croire sur parole est une chose que nous faisons tous les jours.

Nous n'avons pas le choix de le faire, parce que nous ne pouvons tout vérifier, tout contrôler, que nous ignorons beaucoup de choses, et aussi, parce que certaines choses ne sont tout simplement pas prouvables.

Par exemple, lorsque j'écoute tel expert à la télévision, je lui accorde de prime abord un certain crédit, car j'ai déjà accordé crédit à la science comme telle. Il jouit donc, dès le début, d'une certaine faveur de ma part, et cette faveur me prédispose à son tour à croire à ce qu'il affirme. On voit ici que c'est une sorte de système de croyances imbriquées, qu'on pourrait voir comme un système de crédit, basé sur la confiance.

La confiance peut d'une certaine façon être mesurée, et la croyance aussi, mais pas la croyance au sens de «foi», parce que la croyance au sens de foi est tout simplement la «confiance maximum».

Dès que nous devenons croyant au sein d'une religion ou d'une secte (c'est pour moi la même chose), nous accordons notre confiance maximum aux affirmations de notre groupe.

La tendance à croire sur parole est alimentée par notre besoin d'appartenir à un groupe, notre besoin de sécurité, et notre besoin de comprendre et donner un sens à ce qui nous entoure. La croyance religieuse est de nature totalitaire, en ce qu'elle vient régenter tous les aspects de notre vie: de la façon dont nous mangeons, jusqu'à la façon dont nous concevons notre sexualité. La croyance religieuse donne, en principe, réponse à tout, et cela vient expliquer le sourire radieux fendu jusqu'aux oreilles des véritables «convaincus» sur les photos de groupe, car leurs cerveaux a finalement atteint l'effort minimal, et ils peuvent enfin se reposer dans leur béatitude satisfaite. Le gourou ou le Pape pensent pour eux.

Une fois que nous avons réponse à tout, nous pouvons prendre congé de la pensée. C'est vers ce point d'effort minimal que tendent tous les cerveaux, et en général, tous les corps aussi.

Si vous voulez comprendre l'être humain, il vous faut comprendre ce degré de paresse physique et mentale qui l'habite depuis sa naissance. Lorsque les énergies s'étiolent, nous avons tendance à remettre toute la direction de notre vie à d'autres, parce que nous le faisons déjà avec les experts, entre autres.

Forcer physiquement est difficile, mais forcer mentalement est encore plus difficile. Et lorsque nous cherchons à comprendre les choses par nous-même, ou que nous investiguons pour trouver des preuves, nous allons contre notre pente naturelle, qui demande le repos, car l'effort finit par causer de la fatigue et une certaine souffrance. C'est la raison pour laquelle la plupart du temps l'esprit tombe à un point neutre où il ne pense presque plus.

L'esprit vient à fonctionner tout seul, presque comme un instinct, selon des schémas préétablis, des idées préconçues, voire des préjugés (qui sont inévitables). Il ne remet jamais en question tout ce qu'il sait, ou si cela arrive, c'est extrêmement rare.

Ainsi, l'esprit fonctionne quotidiennement avec plusieurs angles morts. Il ne remet jamais en question certaines données qu'il a acceptées à un certain moment donné. Il fait du millage sur ces «données», il sauve de l'énergie, comme un maître se reposant sur ses serviteurs, sans qu'il se rende jamais compte qu'il est plutôt esclave de ses serviteurs.

En fait, il est possible de démontrer qu'une bonne partie des croyances de l'homme moderne sont soit fausses, ou manquent de preuves, ou sont tout simplement des suppositions basées en majeure partie sur la probabilité. Une croyance est fausse si celui qui y croit pense qu'elle est vraie, alors que celle-ci repose en fait sur des erreurs de raisonnement.

Or, les erreurs de raisonnement parmi la population ne sont pas des exceptions, mais sont plutôt la norme.

Par exemple: je crois que la vie a un sens, je dis donc que la vie doit avoir un sens, même si je n'en trouve pas de prime abord et que je trouve qu'elle est même parfois plutôt absurde (la souffrance, l'injustice, la mort, etc.). Je veux motiver cette croyance, car je veux vivre, et je veux que ma vie ait un sens, une direction, une règle qui me permette de me conduire de façon cohérente. Je cherche ce sens. Là, plusieurs réponses s'offrent à moi, comme dans un grand magasin, je trouve devant moi une panoplie de religions et de sectes, et de croyances diverses à saveur ufologique ou futuriste ou socialiste ou darwiniste ou utopique. Tous ces groupes sont là pour m'accueillir et m'offrir enfin la Terre Promise, c'est-à-dire: les vacances de l'esprit. L'erreur première ici consiste à partir de la présupposition que la vie vaut la peine d'être vécue, c'est-à-dire qu'il y a un sens là derrière, qui viendra comme me sauver de tout le non-sens qu'on trouve déjà dans le monde, et dans la vie en général.

Le raisonnement est le suivant: la vie vaut la peine d'être vécue (présupposition), donc la vie doit avoir un sens, par conséquent, la réponse se trouve là quelque part, je n'ai qu'à la chercher, et je me fais suffisamment confiance pour le reste. Mais se peut-il que la vie n'ait aucun sens? Cette question a déjà été sautée par la plupart des gens. Pourquoi? Parce qu'ils pensent qu'une vie sans un «sens de la vie», serait équivalente à un suicide. Et puisque le suicide est interdit, il faut donc s'en remettre à une explication par la religion, ou quelque chose du genre improuvable. Trouver un sens à la vie est donc d'une certaine façon obligatoire. Je n'ai pas le choix de croire que la vie a un sens, sinon pourquoi serais-je encore en vie? Et pourquoi d'abord suis-je venu au monde? Ce n'est certainement pas pour rien?

Oui, tout cela n'est pas pour rien. Nous servons à quelque chose. Mais à quoi? Doit-on vraiment servir à quelque chose, comme un marteau sert à taper des clous?

Si la rose est sans pourquoi, pouvons-nous, nous aussi, être sans pourquoi?

Dire que si ça fait plaisir à quelqu'un de croire que son nombril est le centre du monde c'est OK, c'est se foutre du monde, parce que la vérité passera toujours avant le plaisir dans le système des valeurs. Si je crois en quelque chose que je sais ne pas être vrai, comment cela peut-il être OK? Tous espèrent toujours que ce en quoi ils croient sera véritablement vrai. Personne ne veut fonder sa vie sur un mensonge ou une erreur. Justifier toutes les fausses croyances par l'argument du plaisir que cela m'apporte est complètement stupide. Si je me crois être le dernier prophète ou un envoyé de l'au-delà, et que ça me fait plaisir de manipuler les gens pour les rendre à mes vues et les embarquer dans un suicide collectif «consentant», est-ce que c'est une bonne chose? Personnellement, je n'aurais aucun plaisir à croire en quelque chose que je sais ne pas être vrai. Si la vérité fait mal, on sait par contre où le mensonge et les illusions peuvent nous mener.

Exiger de la vie un sens, c'est de l'égoïsme, de l'égocentrisme, de l'anthropocentrisme. C'est placer l'homme au centre du monde et dire que c'est lui qui possède le sens de tout cela, ce chaos de sens, cette explosion multiple de sens.

Infinie présomption de l'homme, qui sautille sur un grain de sable perdu dans l'univers et qui s'en croit le sens...

Personnellement, j'en ai marre de me faire dire par les autres ce qu'est la «vérité», car je me doute fortement que personne n'en a jamais rien su.

Tous pensent avoir raison dans leurs croyances. Nos croyances d'aujourd'hui, notre foi à nous, est surtout à saveur scientifique. On se base sur des «études», des «faits», des «chiffres», on jargonne aussi beaucoup et on se croit intelligent en prenant les mots pour des idées. On croit que la science ne peut pas être manipulée par des scientifiques qui ont un intérêt dans les recherches en question. Voilà un gros problème.

Selon une étude systématique parue récemment, 90% des résultats obtenus dans les études scientifiques sur les aliments sont bidon. C'est ce qu'on appelle la junk science. Faire de la junk science, c'est faire servir la science à n'importe quoi, pour nos intérêts, surtout financiers. Oui, les scientifiques peuvent être malhonnêtes.

Ce n'est pas si grave en soi de croire que les oméga-3 aident à prévenir le cancer, voire, le combatte. Ce n'est pas si grave en soi de croire que les antioxydants vont rallonger ma vie, et que je doive prendre quotidiennement des bains de thé vert. Ce n'est pas si grave en soi de se gaver de jus de carottes, si on a un cancer en phase terminale comme Steve Jobs. Mais je ne crois pas que ce ne soit pas si grave en soi de croire en des mensonges. Ces aliments dont tout le monde vante les vertus ne sont en grande partie que du marketing. Je ne dis pas que la malbouffe et les pesticides sont bons pour la santé, mais que cette frénésie pour les oméga-3 et les antioxydants n'est fondée que sur des études biaisées, intéressées, à seule fin de vendre des produits et suppléments alimentaires qui suivent les tendances. Si des scientifiques font une étude sur les vertus du café, il faut que ça profite à quelqu'un, et un résultat négatif est irrecevable, bien entendu. Quel laboratoire de cons irait faire une étude sur un produit alimentaire s'il s'attendait à ce que les résultats soient négatifs ou non concluants? Évidemment, la recherche est financée par les principaux intéressés de l'industrie agroalimentaire, et on veut des nouvelles positives, des remèdes «miracles». Une recherche impartiale et indépendante sur le café, par exemple, ne serait apparemment d'aucun intérêt direct. Autrement dit, la recherche est motivée par ceux qui font la recherche, et ceux qui la financent.

On peut aussi aller loin avec des probabilités: on peut devenir autant un farouche darwiniste, qu'un chrétien opportuniste avec Pascal et son pari. On peut aller encore plus loin avec la simple idée honnête, mais simpliste, du «je n'ai rien à cacher». Oui, on justifie ainsi tous les totalitarismes et les caméras dans nos chambres à coucher, même nos toilettes, et l'espionnage de toute notre vie privée en général, incluant notre vie sur tous nos appareils électroniques. Il est faux de dire que tout ce que je fais concerne le gouvernement ou des entreprises privées. Il est donc faux de dire que je n'ai rien à cacher. Nous avons tous, et toujours, quelque chose à cacher par rapport à des intérêts étrangers aux nôtres, et possiblement même, des intérêts contraires aux nôtres, qui peuvent nous nuire grandement. Imaginez que votre chambre à coucher est sous la surveillance du gouvernement, et que le gouvernement est miné par des fondamentalistes religieux pro-vie. Pouvez-vous imaginer le cauchemar? 

Les recherches actuelles sur l'origine de l'univers et l'origine de l'homme en physique théorique et en théorie de l'évolution sont des divagations dignes des maisons de fous. Ceux qui se croient plus évolués et qui parlent maintenant de soucoupes volantes comme si on en croisait à tous les coins de rue, alors qu'il y a 30 ans on riait d'eux à s'en rouler par terre, aiment se fonder sur la Bible et la théorie en vogue des «anciens astronautes» afin de la démystifier, mais ne se rendent jamais compte que finalement, même s'ils parlent de soucoupes volantes qui prouvent qu'il y a une vie extérieure, ils ne croient toujours qu'en la Bible qui proclamait pourtant l'inexistence d'une vie extérieure, et qui n'est finalement aussi, au total, qu'un tissu de mensonges élucubrés par un petit groupe de fanatiques en quête de sens, et de sang. Si les sympathisants des soucoupes volantes essaient de comprendre les soucoupes volantes à partir de la Bible, qui est un tissu de mensonges bimillénaire, on comprend pourquoi ils ont encore tous l'air d'illuminés.

Est-il possible pour tous de faire table rase?

Est-il possible pour tous d'arrêter d'accorder du crédit à n'importe qui, et de se mettre enfin, honnêtement, par soi-même, en quête de la vérité?

Et ce, même si les résultats risquent d'être décevants, minimes, voire nuls?

Je crois que la tentative de découvrir la vérité en vaudra toujours la peine.

Et même si cette tentative échouait, elle aura eu le mérite d'avoir momentanément donné sens à notre vie.

On ne trouve pas la vérité, on la découvre.

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