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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 17 juillet 2014

Le philosophe est un artiste de la pensée

Je vais recommencer graduellement à écrire dans les prochains jours; je vais recommencer aussi à m'entraîner plus régulièrement; je vais aussi faire plus attention à mon alimentation. Je sors de deux années de maîtrise épuisante, et je ne peux pas croire que c'est fini. Avec tout le stress que j'ai vécu, il faut que je décante sérieusement. J'ai essayé de ne pas devenir fou ou aliéné durant mes deux années d'étude infernales, mais je crois que j'ai quand même perdu une partie de moi-même, de façon irrémédiable. Je l'ai constaté en relisant mes anciens billets: j'étais plus vif, plus spontané, plus brillant, il me semble. Je dis «il me semble», car on a toujours l'impression que «c'était donc mieux avant».

Néanmoins, je crois qu'il est toujours possible de compenser la vivacité par plus de profondeur, enfin, je l'espère. Car après tout, c'est ainsi que je me sens aujourd'hui, même si je me sens «aliéné» quelque peu: je me sens plus profond, plus apte à comprendre davantage de choses, ce qui ne me fait pas nécessairement plaisir non plus. J'ai perdu plus d'illusions que j'en avais déjà perdu avant, et c'est une pénible situation que d'être lucide. Mais la lucidité a toujours bien meilleur goût avec modération. C'est pourquoi je m'évertue à rester passionné, entêté que je suis à poursuivre mes intérêts premiers. Pendant ces deux années «en exil», loin de mon domaine, je n'ai pas coupé le contact avec mes origines, je ne me suis jamais résigné à oublier ma passion première: la philosophie. Je lisais autant que je le pouvais des livres de philosophie, certes, de façon passive et sans grand approfondissement, mais je gardais la flamme vivante, car je suis tenace et je ne fais pas de concessions sur mon être. Plus mes études m'éloignaient de la philosophie, et plus j'essayais de m'en rapprocher: j'étais un traître au domaine, et mes notes s'en ressentaient parfois.

Puis, plus loin dans mes études, nous avons découvert un aspect philosophique dans le domaine que j'étudiais, et je suis resté très surpris: j'avais enfin un peu d'oxygène. Je me suis rendu compte qu'on ne pouvait échapper aussi facilement à la philosophie, même si elle est constamment méprisée par les philistins qui s'ignorent, qu'elle revient par d'autres chemins, et surtout, qu'elle revient quand les enjeux sont grands, et elle se présente alors en belle parure pour donner de la vie et du style à une matière trop carrée, trop concrète, trop terre-à-terre et ennuyante. Elle vient donner une vision à la matière morte, elle la ranime en quelque sorte.

J'ai alors pris conscience qu'en n'importe quel domaine, lorsqu'on l'approfondit au niveau théorique, on en vient à la philosophie. Dès lors qu'on se questionne sérieusement sur une matière, on fait des réflexions philosophiques, et c'est pourquoi des études en philosophie, ce n'est jamais du temps perdu, parce qu'elles aident à avoir du calibre plus tard. Avec le temps, j'ai remarqué qu'au niveau de la compréhension et de l'envergure d'esprit, il y a une forte différence entre ceux qui ont étudié la philosophie ou qui s'y intéressent, et ceux qui ne la connaissent ni d'Ève ni d'Adam. Par contre, seuls ceux qui ont la véritable fibre philosophique vont comprendre un autre philosophe. Néanmoins, cela ne les empêche pas nécessairement d'en goûter et d'en apprécier la teneur, l'art. Car le philosophe est un artiste de la pensée, et on n'a pas besoin d'être artiste pour apprécier une oeuvre d'art ou goûter un bon mets: tout un chacun peut en retirer un plaisir à la mesure de sa sensibilité.

Si je parle de «fibre philosophique», c'est que j'ai remarqué que peu d'étudiants en philosophie seront plus tard de véritables philosophes. Encore pire, ces derniers souvent la dénaturent, la défigurent, la dévoient de sa nature première. Ce n'est pas parce qu'on étudie en philosophie qu'on comprend la philosophie: parfois on la comprend encore moins de cette façon. C'est parce que l'université c'est une chose, la vie et la véritable réflexion honnête et passionnée, c'en est une autre. Il n'y a pas de meilleur endroit que l'université pour se faire accroire qu'on connaît quelque chose. En réalité, peu sont appelés, mais rarissimes sont les élus. À quoi servent toutes ces études, si on ne prend pas soin d'abord de penser par soi-même?

Je crois que pour être un véritable philosophe, il faut avoir la capacité à rester ouvert toute sa vie, sur toutes les questions, mais surtout, il faut rester capable de se questionner comme l'enfant de cinq ans le fait, et cela, c'est presque impossible pour la plupart des adultes que nous sommes, car nous avons appris à être «vieux», à ne pas trop se questionner, à se résigner devant ce qu'on ne comprend pas, devant le mystère de la vie, de l'univers, bref, la société ressemble à un complot pour tuer notre créativité, et c'est ce qui s'est passé. Dès le moment où nous entrons à l'école, nous sommes endoctrinés dans une façon de penser qui nous moule, nous contraint, nous bride, et nous devenons sans imagination. Nous sommes entraînés à obéir, à voir par les yeux des autres, et à penser à la façon de nos maîtres. L'«homme unidimensionnel», il est là, dès le départ. Je crois que Marcuse s'est fourvoyé là-dessus. Le totalitarisme il est là, dans l'éducation, mais personne ne le voit, car nous avons déjà tous eu notre lobotomie et semblons penser que c'est une bonne chose de «dompter» l'enfant, même s'il faut y parvenir avec du Ritalin. La nature des études est de nous occuper à ce qui n'est pas «nous», à nous divertir de notre être, à nous accabler de travaux afin de nous éloigner de nos racines et de notre source, comme on meuble le temps des soldats dans les casernes, afin de les empêcher de penser. Si les philosophes d'antan voyaient ce qu'on fait aujourd'hui aux étudiants en philosophie, ce que l'on croit être de la philosophie, et ce que les étudiants pensent connaître de la philosophie, ils riraient aux éclats. La meilleure comparaison que l'on peut faire de l'université est avec un asile de fous. Nous sommes malades et fous de croire aux diplômes, et encore plus, de courir après ceux-ci. Cette course n'a plus aucun sens, et la société non plus. Nous sommes à une époque si rigide, et pourtant, personne ne semble trop s'en plaindre. Nous croyons être en position avantageuse parce qu'on peut manger à notre faim et se reposer le cul sur un bon divan, mais la vérité est qu'à cause de notre pacte avec le «matériel», nous n'avons jamais été aussi loin de notre être, aussi loin dans l'aliénation.

Nous sommes à l'extrême limite du «non-être». Quand cela va-t-il se terminer? Quand allons-nous lancer notre IPhone par une fenêtre et commencer à vivre, pour vrai?

2 commentaires:

  1. M'a essayer de finir de lire mon roman pis je viendrais lire le tien après

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  2. Tas du pain sua planche Madame Paletemps,,, :D

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