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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 12 mai 2021

La quasi-certitude de vivre toujours

Gurdjieff, Récits de Belzébuth
à son Petit-fils
Chaque jour, nous avons la quasi-certitude que nous n'allons pas mourir bientôt. Nous avons la possibilité de la mort comme derrière la tête, mais nous n'y croyons pas vraiment. Nous allons travailler et planifions notre retraite comme si de rien n'était, comme si nous allions bénéficier d'une exception.

C'est un étrange phénomène relevé par Gurdjieff. En effet, on est plus facilement terrifié par une souris qui vient d'entrer dans la pièce où on se trouve que par la mort, ce qui n'est pas normal. Gurdjieff avance l'idée qu'un organe (organe kundabuffer) implanté dans l'homme l'empêche de voir la réalité telle quelle est.

Je dois admettre que je sens quelque chose de similaire en moi. J'ai parfois l'impression illusoire que je vais continuer à vivre d'une autre façon si je venais à mourir. J'ai aussi l'impression rassurante que je vais avoir le temps de voir venir ma mort, et de m'y préparer. Je sais pourtant par expérience que la mort frappe dans les moments les plus inusités comme un éclair, mais néanmoins, je suis rassuré: ça n'arrivera pas à moi.

Pourtant, à chaque instant, ma vie est séparée de l'Incompréhensible que par une mince membrane, un voile extrêmement ténu. Une défaillance microscopique de mon système, la rupture d'un vaisseau, un minuscule caillot, peuvent me faire basculer à tout moment dans l'Atopie Intemporelle, dans le Non-Événement, et m'envoyer de façon instantanée tout près des autres tombes que je contemple quand je marche au cimetière en me trouvant donc chanceux d'être encore en vie, moi.

Après tout, on ne peut passer sa vie à penser à la mort, sinon ce ne serait pas vivre, ce ne serait pas profiter pleinement de la vie.

Il faut donc rire, s'amuser, faire l'amour, voyager, travailler, préparer notre retraite et faire 

Comme si de rien n'était

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