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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 5 décembre 2021

Car je suis submergé

1. La «conscience ordinaire», qu'on pourrait aussi appeler préoccupation, selon la terminologie de Heidegger, nous protège de notre absurdité fondamentale dans l'infini, de notre non-sens fondamental, nous protège de la «folie», du vertige absolu.

2. Ce dans quoi je suis est l'Incompréhensible.

3. En temps normal, dans la quotidienneté, je ne vois pas l'Incompréhensible. Je ne vois pas que je marche en permanence sur la brèche terrifiante du Vide. Je suis en quelque sorte aveuglé par mon excellente vision, très pratique dans le «monde pratique», mais totalement fausse et trompeuse en ce qui a trait à la Vérité.

4. Je suis dans l'Étrange, la Folie, l'Incompréhensible, l'Infini, Dieu. Je suis dans une force qui cherche à croître en puissance. Je suis dans un Monstre.

5. Ce qui est dit, est dit, une fois. Toute parole, même répétée, est unique. Chaque mot porte son estampe spatio-temporelle et est daté.

6. Comment puis-je comprendre l'unique, le tout, l'infini, ou même le mot «jamais»?

7. Comment puis-je comprendre «une seule fois» et «plus jamais»? Théoriquement, je ne peux comprendre ces expressions, et pourtant j'agis comme si je les comprenais.

8. Le savoir est non-maîtrisable, c'est ce qu'il faut savoir avant tout. Il est impossible de tout savoir. Dans ce domaine, il arrive un moment où l'on est forcé de s'avouer vaincu, et de devenir humble. C'est ainsi qu'on arrive, bien malgré soi, au seuil du religieux.

9. Ma conscience possède comme un envers. Je suis des choses que je ne suis pas. J'ai des choses en moi qui ne sont pas «moi». Des représentations, des idéations, des sentiments. Et je les reconnais, souvent avec peine. Pourquoi suis-je multiple? Quel est ce moi s'il n'est pas «moi»?

10. Notre monde est sur le point de traverser une ligne de faille monstrueuse.

11. Si ma conscience se brise, la conscience du monde est aussi sur le point de se briser.

12. J'ai parfois l'impression d'être dans l'œil d'un cyclone, immergé dans la force grondante du Monstre, la force que je ne peux toucher, mais seulement ressentir.

12. Le Monstre approche. Si tout va bien, la fin du monde devrait arriver 

Bientôt près de chez vous!

13. Car je suis submergé. Prendre conscience de cela, de ma limitation fondamentale, qui cache au fond une illimitation fondamentale, c'est passer à un niveau supérieur, c'est passer à la «classe de Dieu».

14. L'infini est dans ma tête, avant même que j'y pense, car je ne peux imaginer un contenant qui n'est pas contenu dans un autre contenant, et ainsi de suite, à l'infini. Que le monde soit infini, ou même fini, je ne peux l'embrasser, car le fini est aussi infini. Tout cela semble nécessaire, mais il est nécessaire de savoir que la façon dont nous comprenons le «nécessaire» n'est peut-être pas nécessaire.

15. Ce qui n'est pas infini, c'est ma «vie personnelle». Mais pourquoi?

16. Hier est mort et perdu à jamais. Demain est un des aspects de la face de Dieu, toujours naissant, jamais né.

17. Demain est déjà non-être.

18. L'univers infini est tout ce dont ma conscience a besoin pour exister. L'infini est le miroir nécessaire de ma conscience, et cette réflexion est sans fin.

19. La «matière», bien qu'on l'étudie, n'est qu'un autre nom pour ce qu'on ne comprendra jamais.

20. «Je suis composé de matière» veut dire: je suis éternellement à l'étude.

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