Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 23 février 2016

La démocratie totalitaire

La façon dont nous agissons
révèle que notre pensée
n'est plus démocratique, mais fasciste.
Le président Obama n'arrive pas, malgré toutes ses promesses et sa bonne volonté, à faire fermer la prison de Guantanamo...

Cette prison est une zone de non-droit pour les personnes qui y entrent, et celles-ci ne peuvent savoir non plus quand elles vont en sortir. Souvent, ces personnes ne savent même pas non plus exactement pourquoi elles sont là. Elles se retrouvent du jour au lendemain dans une cellule de la taille d'une garde-robe, 23 heures sur 24, avec un bac d'eau pour se laver, et un autre bac pour faire ses besoins, assortie de séances de torture pour agrémenter le tout. Dans ces conditions, c'est l'endroit idéal pour radicaliser quiconque s'y trouve.

Cette prison révèle le côté ambivalent de nos démocraties actuelles: notre système politique est le plus libre, mais en même temps, de façon hypocrite, il est capable du pire comme les véritables États totalitaires.

Vous direz, «oui, mais, le terrorisme nous a amené là», et je vous répondrai, «il n'a fait que révéler en réalité ce que nous sommes vraiment, ce dont nous sommes vraiment capables». Nous pouvons être à la fois des citoyens prônant la liberté de façon honnête dans une démocratie libre, et des petits Staline, et des petits Hitler.

Personnellement, quand je vois des gardiens faire des rondes continuelles devant des cellules super sécurisées où les prisonniers sont nus, je suis terrorisé devant cette brutalité pure qui est le contraire de la raison et de notre vision de la justice et de la liberté. Je me dis aussi, quand je vois ces images: «Les voilà nos gardiens nazis, ce sont les mêmes...». Je crois qu'il y a ici un dérapage révélateur.

Comment, après toutes les horreurs de la Deuxième Guerre mondiale, en sommes-nous venus à jouer le rôle de nos agresseurs d'autrefois? Je crois que c'est parce que nous ne sommes plus le même monde, nous n'avons pas connu personnellement cette guerre apocalyptique. Les liens à cette guerre sont loin ou décédés, et nous n'avons jamais eu véritablement peur de la fin du monde.

Si ça se trouve, les Américains sont en train, de cette façon, de construire la prochaine génération d'adversaires irréductibles à leur monde, à leur mode de vie.

Cette prison ne passe même pas le test avec les Occidentaux qui y ont séjourné. Ils disent eux-mêmes qu'elle ne peut conduire qu'à une plus grande radicalisation à cause de l'injustice qui y est vécue. De plus, les personnes qui y entrent sont souvent difficiles à en sortir, car une fois fichées, plus aucun pays ne veut les accueillir, même si au départ on les avait emprisonnées sur de simples soupçons. En cela, cette prison se révèle terriblement efficace à fabriquer des terroristes.

Mais, le Président en personne, n'arrive quand même pas à la faire lui-même fermer... Cela ne ressemble-t-il pas à des structures de régime totalitaire, qui, une fois mises en route, deviennent comme des structures objectives impersonnelles qui fonctionnent toutes seules pour broyer les gens?

Vous direz que la solution pour échapper au contrôle de cette démocratie de plus en plus ambivalente c'est d'utiliser des logiciels de cryptage. Mais si vous vous sentez obligés d'utiliser ces logiciels pour vous sentir plus en sécurité, n'est-ce pas parce qu'il y a quelque chose qui, fondamentalement, ne tourne pas rond?

Vous utilisez des logiciels de cryptage pour vous protéger contre l'intrusion de l'État et des entreprises dans votre vie privée, et on pense alors que vous avez des choses à cacher, et on vous scrute davantage, et vous vous cachez davantage pour vous protéger contre l'intrusion, confirmant leurs soupçons... C'est comme l'histoire du mari jaloux: plus sa femme essaie de ravoir un peu de liberté, plus il pense qu'elle a une aventure, et plus il la surveille, plus elle essaie de fuir, ce qui confirme ses soupçons, et finalement il la tue... On ne sort pas de cette maladie mentale là...

Autrement dit, selon cette logique, nous devons laisser l'État et les entreprises nous surveiller si nous n'avons rien à cacher... Mais pouvez-vous me dire quel droit ces gens ont-ils de tout savoir sur chacun de nous? En réalité, l'État et les entreprises n'ont aucun droit de venir fouiller dans notre vie privée, mais tout le monde les laisse faire, parce qu'on ne peut les en empêcher.

Quelle est la nature de ces incursions de plus en plus profondes et fréquentes dans notre vie privée par l'État et les entreprises? N'est-ce pas là que le problème commence? Qui sont ces gens? Qui travaille pour qui? Pour quoi?

Les entreprises ne sont pas nos «amis», et ne le seront jamais, contrairement à ce qu'elles veulent bien nous faire croire. Elles ne peuvent pas être nos amis, car nous sommes une ressource humaine pour elles. Comme l'éleveur de bœuf ne peut pas être ami avec les bœufs qu'il élève et qui lui rapporteront ses revenus après être passés par l'abattoir. Si l'entreprise est un ami, elle va offrir ses produits moins chers, augmenter les salaires de façon honnête... si l'éleveur est ami avec ses bœufs, il ne les enverra pas à l'abattoir et fera faillite. Même principe.

Les gens pensent que les entreprises sont nos amis parce que Facebook est gratuit. Mais Facebook n'est pas gratuit: on cueille des données sur vous, qui seront revendues aux entreprises. L'État non plus ne peut pas être notre ami, parce qu'il est ami avant tout avec les entreprises, qui sont maintenant plus riches que n'importe quel État...

Les entreprises sont là pour nous retirer des sous, et c'est la raison pour laquelle elles minent notre vie privée: pour essayer de faire plus d'argent avec les consommateurs, en espionnant nos comportements. Ça commence ainsi, par un motif qui ne semble qu'économique, et contre lequel nous semblons n'avoir aucun pouvoir, puis vient le dérapage: tout le monde se retrouve perpétuellement surveillé. Ajoutez à cela quelques attentats, et les gens ordinaires, même les plus à gauche, arrivent du jour au lendemain avec des arguments de la droite en bouche, comme si ça venait d'eux, comme si c'était «logique». C'est ainsi que la surveillance devient justifiée par tous, pour tous.

Nous nous retrouvons donc dans une démocratie totalitaire, dans un monde où la surveillance nous enferme dans une cage et tue la vie. En contre-attaque, tout empiétement sur la vie privée des gens devrait être surveillé avec la plus grande attention, car elle est une attaque directe sur notre mode de vie qui s'effrite de jour en jour: la démocratie.

Ce que les Occidentaux actuels ne semblent pas savoir, c'est que le combat contre le totalitarisme est toujours à reprendre, même à l'intérieur des démocraties les plus établies. Le totalitarisme est comme un virus qu'on ne peut tuer, mais seulement garder à distance, empêcher de nous contaminer, ou limiter les dommages une fois qu'il est entré dans le système.

Or, l'infection ici, commence avec notre tête.

Nous avons besoin de réfléchir sérieusement à l'avenir, si nous voulons un avenir, car les portes sont en train de se refermer, au niveau corporatif, politique, économique, et écologique.

Nous avons besoin de penseurs systémiques qui seront capables de diffuser leur vision de façon mondiale pour changer la direction que le monde est en train de prendre actuellement et qui nous mène droit dans un mur.

Je ne comprends pas que les gens ne soient pas davantage révoltés face à ces images de torture de la prison de Guantanamo. Et cela n'est que la partie visible de ce qui se passe, car beaucoup de la torture pratiquée par les Occidentaux est exportée dans d'autres pays, pour échapper à la justice.

Mettez-vous à la place de ces prisonniers: seriez-vous capables de vivre plus d'une journée sans aucun droit dans une prison avec des militaires sadiques et sans savoir quand vous allez sortir?

Ces militaires peuvent faire ce qu'ils veulent de vous, personne ne le saura...

Ils peuvent vous humilier et vous taper sur la gueule autant qu'il leur plaira...

Combien de temps pourrez-vous survivre sans mourir, vous suicider ou devenir fou?

Vous me direz que ce sont des soldats en particulier qui faisaient cela, mais pas tous...

Comment le savez-vous? Et puis, dans la vie de tous les jours nous avons toujours affaire à des gens en particulier, jamais à des programmes ou à des organisations, mais ceux-ci font partie d'un système, qui est malade... me direz-vous...

Quand on étudie aujourd'hui les Himmler et compagnie, on se dit que ces gens étaient profondément malades, tout autant que leur régime politique, et qu'on ne sait pas au fond lequel est la cause de l'autre...

Nous sommes encore dans une situation semblable.


Soldat fier de montrer qu'il a torturé
un prisonnier à mort
Soldat qui écrase sa victime ligotée
entre deux civières
Festival de fessage sur la gueule en vrac



Nous créons nos propres ennemis sur nos propres territoires
parce que nous ne savons plus ce qu'est la démocratie.

4 commentaires:

  1. ... " les Américains sont en train, de cette façon, de construire la prochaine génération d'adversaires irréductibles à leur monde ... "
    Je ne le crois pas -
    ( tu sais déjà un peu ce que je pense de tout ça )
    Je crois au contraire que c ' est la seule façon de réduire leurs adversaires au silence qui , eux ne se tairont jamais , jamais -
    Tu parles de " nous " mais je ne m ' identifie pas à ce nous -
    Tu parles de démocraties occidentales mais tu sais bien que ce ne sont pas des démocraties -
    Quant à ceux et celles qui laissent faire toutes ces conneries ( et m^me les classes moyennes apparemment tiédasses ) , non ils ne laissent pas faire : ils sont résolument pour le pouvoir de l ' argent contre toute préoccupation de justice sociale et culturelle -
    En tous cas , merci 1000 fois de rappeler le cas de Guantanamo qu ' on a tendance à oublier ( moi le premier ) -
    Obama ?
    Ne veut-il pas vraiment ?
    Ou peut-être ne le peut-il pas -
    Ce système de riches et de pouvoir est tellement bien pensé et mis en place -
    Mais nous sommes + malins qu ' eux et nous saurons nous défaire de leur traquenard de fric , de bourses (?) , de force brutale et de misère -
    Tu as du remarquer que je ne crois pas que nous nous en sortirons par la force parce qu ' ils sont les + nombreux et ont un capital de moyens et de pouvoir considérable -
    Mais nous sommes + intelligents et y arriverons , m^me sans force -
    L ' exemple du Mahatma Gandhi n ' est pas un exemple de non-violence , il est un exemple d ' efficacité politique -
    Bien amicalement -
    Charles -

    RépondreEffacer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreEffacer
  3. Dostoïevski, dans les Carnets du Sous-Sol, fait dire à son héros que si l'humanité devait vivre dans un merveilleux palais de cristal son avenir dépendrait de celui qui lancerait une pierre sur celui-ci afin qu'il vole en éclats. On a beau chier sur les anarchistes, les activistes et autres séditieux qu'ils représentent en quelque sorte ce mince espoir de ne pas vivre dans une société qui se croit parfaite et justifie toutes les tortures. Un homme qui se tient debout, face à l'injustice, aura toujours plus de poids qu'un million d'endormis qui se décrottent le nez. Je crois au pouvoir des minorités agissantes. La majorité obéira à n'importe quoi, au meilleur ou au pire, pourvu qu'on lui dise quoi faire...

    RépondreEffacer
  4. Quand j'ai revu ces images de torture avec des Arabes (disons-le, y a du racisme dans leur affaire), ça m'a profondément écœuré. Les Américains sont des retardés mentaux à tous les niveaux: bouffe, musique, politique, culture. Même leur science est dégénérée, orientée vers l'argent, servant à gaver les Américains de médicaments tous plus dangereux les uns que les autres. Il n'y a plus de progrès possible avec cette mentalité-là de profits à court terme. Une chercheuse du CNRS l'a dit: après le boson de Higgs, la prochaine grande découverte scientifique se fera probablement dans 50 ans. Pourquoi? Parce que les budgets sont coupés pour la recherche fondamentale. La science est de plus en plus complexe, et il est besoin de plus en plus d'argent pour qu'elle continue d'avancer. Les découvertes ne se font plus par un seul scientifique comme dans le temps, assis chez lui à réfléchir, mais par des armées de scientifiques dans plusieurs pays qui utilisent des machines ultra sophistiquées. Les coûts des progrès de la science sont exponentiels. C'est pourquoi il faut repenser toute l'économie.

    RépondreEffacer