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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 28 octobre 2021

Game Over

Hier soir, j'étais couché dans mon lit.

J'étais buzzé ben raide. Deux pipettes pleines d'huile de THC et un carré de lasagne juste après: ça m'a pété en pleine face.

Je pensais en regardant le plafond de ma chambre, collé contre ma blonde et mon chien, j'y voyais en gros plan des bactéries couleur mauve s'agiter dans tous les sens, et je me disais que j'étais pas mal gelé. Comme si j'avais pris du LSD.

Je pensais aussi que j'étais en train de virer sur le top. Que je me gelais trop souvent. Que je n'étais plus capable... Que c'était la «dernière fois»...

Mais hier soir, c'était différent.

Le miroir s'est tourné vers moi, et je me suis vu...


«J'ai compris que mes pensées reflétaient la vraie réalité 
et que c'est quand j'étais dans la «réalité ordinaire» que mes pensées me trompaient


Je sentais les instants passer, un à un, uniques, pour l'éternité.

Je comprenais très bien que beaucoup de parties de moi sont déjà mortes depuis longtemps.

Tous mes souvenirs d'enfance sont des reconstructions partielles d'un monde et d'un moi morts.

Des façons de sentir, des façons d'êtres, sont disparues à jamais.

Je reconnais pourtant cet «autre» qui est moi sur les photos de jeunesse.

Drôle de «moi» qui est toujours différent, mais pourtant toujours le même.


«Je suis destiné à être cela qui est


Ceci n'est pas un jeu vidéo. L'Être engage. Dans l'Être, Tout est en jeu. La Game est Over.

Je sentais le temps passer, goutte à goutte. Des moments uniques et irréversibles évaporés dans l'infini comme la brève existence d'une mouche tsé-tsé, une mélodie, un parfum, un baiser...

Je sentais toute ma vie me couler entre les doigts. J'étais ni vivant ni mort. Comme un spectateur de ma vie, du monde, de tout cela.

Je voyais:

Que j'étais une conscience malencontreusement prise dans un blocage spatio-temporel. 

Que je suis moi par accident.

Qu'absolument tout n'existe qu'une seule fois (peut-on comprendre cette «unicité»? est-ce une vue sur l'unicité de Dieu?).

Que je suis l'unique spectateur de ma vie (que personne ne peut être moi, sinon je ne suis plus moi).

Que chaque instant qui passe est mort et perdu à jamais (et on parle de gagner toujours plus de temps? si on gagne plus de temps, on perd plus de temps aussi, non?).

Que ma vie, est ma vie, fatalement à jamais, un seul événement irréversible, qui disparaîtra sans laisser aucune trace.

Que ma vie passe et que je ne peux rien arrêter, et qu'un jour, tout cela sera fini pour de bon.

Comme si je n'avais jamais existé. Mon existence perdue dans un recoin de l'infini insondable.

Mais si la mort n'est pas la dernière étape, il est aussi absolument terrifiant de penser que j'existerai sous une autre forme...

Dans quelle forme vais-je bien pouvoir continuer à exister? Dans quelle forme vais-je bien pouvoir continuer à traîner mon cadavre puant?

Il me semble de plus en plus une évidence que mon corps va continuer à vieillir, que mon cerveau va s'embrumer peu à peu, que je vais tomber malade, et que je vais mourir et me décomposer en compagnie des champignons et des insectes.

Et quoi après? Y a-t-il vraiment quelque chose ou nous trompons-nous sur nous-mêmes et sur notre mission sur terre, si mission il y a?

Que faisons-nous là?

Perdus sur un coin de terre à construire des souvenirs, à jouir, à souffrir, à perdre notre vie, pleinement conscients de la perdre?

Se peut-il que si je suis capable d'avoir ce genre de réflexions que ce soit parce que je suis plus? que je suis un «esprit» qui est en train de se détacher de son corps?

Rien ne le prouve vraiment.

Dans la réalité, nous ne nous rendons jamais vraiment compte que nous sommes totalement seuls. Nous sommes rassurés par la présence des autres, par nos occupations et distractions «prenantes», par la lumière, et ça suffit bien souvent pour nous enlever l'angoisse. Nous sommes assez simples au fond.

Nous oublions trop facilement, dans la «réalité», que nous sommes destinés à être absolument libres.

Que la «réalité» n'a rien à voir avec nous. Qu'elle ne cherche toujours qu'à nous faire dévier, qu'à nous désengager de nous-mêmes.

La société et tout le tralala des «autres» ne nous concernent en rien ici. Personne d'autre que moi-même ne porte, et ne peut porter, le fardeau de mon existence, de ma vie, de ma souffrance, et de ma mort.

Ces choses sont absolument personnelles, mais en même temps, sont le lot de tous, même de mon chien adoré.

La politique, les médias et le travail sont des conneries qui nous distraient en permanence de l'essentiel et surtout, qui nous font violence. Leur but est de nous endormir le plus profondément possible, et le plus longtemps possible, pour pouvoir puiser dans notre être et le gruger à volonté comme des zombies notre vie durant.

Nous sommes des machines biologiques au service de la machine capitaliste, de la machine médiatique et de la machine étatique, et de toutes les autres foutues machines et processus de merde qui sucent notre vie.

Jamais nous ne sommes engagés «par» l'Être...


«Nous mourons notre vie


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