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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 26 février 2018

Rejects

Depuis deux jours, je cherche un livre à acheter. Ça me triture, ça me torture, ça me tord, ça me tire, ça me ture.

Je m'assis devant les rangées de livres, dans les librairies d'usagés, c'est que ça va mal. Je scanne les livres un par un, je fais des piles, je ne sais plus où les mettre, je les mets dans un coin, je me sens mal, je pars en douce dans une autre librairie, je reviens, je repars, je reviens, je repars, câlisse que ça marche pas.

Mes rejects, en feuilletant:

je vois le nom d'un ministre français (je ne suis plus capable des noms de ministres français (ni d'ailleurs d'aucun autre ministre (en général))); sujet trop d'actualité (qu'on aura oublié dans quelques mois); titre accrocheur, surenchère sur les titres, contenu ordinaire; livre jauni, écorné, pages pliées, fatiguées, pages pâteuses, texture poreuse, rugueuse; Michel Foucault ad nauseam, got it all; trop de citations; Bottéro sur sa Mésopotamie chérie (oui, oui, on sait aujourd'hui que c'était des extra-terrestres), trop de noms de villes anciennes, de noms pas prononçables, généalogies, blabla, trop spécifique, ne m'intéresse plus après l'avoir pourtant cherché il y a quelques mois; trop d'espace entre les lignes, les paragraphes, les chapitres, impression de vide de contenu; parle trop du passé, au passé, fait une revue des phénoménologies, explique Michel Henry, l'admire, le rejette, blablabla; essaie de nous scandaliser avec le spectre de la disparition de la philosophie (en train de disparaître depuis au moins Platon); un livre constitué d'une série d'articles, mais qui paraît pas, et qui est trop cher pour ce que ça vaut: Hans Jonas: une promesse du moment, oubliée; un livre sur le théorème de Fermat écrit par un docteur en physique nucléaire (?) qui nous parle d'Évariste Galois pendant un bon moment, intéressant, ensuite de Andrew Wiles et de la conjecture de Shimura-Taniyama-Weil, mais je connais trop l'histoire, intéressant quand même, mais, mais, mais, soulignages, édition trop cheap, ça ressemble à un prêt-à-jeter après utilisation, je peux aussi lire toute cette histoire sur Internet (finalement trouvée en anglais en PDF, le livre même, original); un livre sur les trous noirs, assez épais et dense, avec une préface de Stephen Hawkings, pu capable de lui: les trous noirs n'existent pas Stephen! et aussi, on ne revient pas dans le temps (mais Stephen est d'accord sur ce point aujourd'hui); un autre livre de critique et de tentative de ressuscitage de Marx, bon courage; Pic de la Mirandole, j'ai déjà tout ce qu'il faut de lui; une histoire «fascinante» du mètre, un peu long, mais intéressant, pas acheté, trop spécifique pour l'instant; une nouvelle histoire de la chute de Rome, Peter Heather, traduction française de 2005 (?), bon, bon, bon, le trois-quarts du livre semble une grosse récapitulation, et j'ai déjà trop de livres pas lus sur Rome chez moi, on va attendre; cette chute de Rome qui n'en finit plus de Lançon, une histoire sans fin, blablabla, édition cheap, pas assez volumineuse non plus pour le prix; le système de la mode de Barthes: de la merde sémiologique; le Zohar, livre de cabalistique sur la Genèse, comprend rien, trop de citationage; une livre de André-Comte Sponville (encore), le traité du désespoir et de la béatitude, un backcover intéressant, mais à l'intérieur comme un bavardage sans fin (et littéralement sans «fin»); un livre de Boltanski, De la critique: vois pas le point de ce livre, juste un autre livre de plus, probablement; Bourdieu, sur les structures sociales de l'économie: trop localisé à la France, tranche fendue, un livre qui a mal vieilli physiquement et littérairement, comme tous les livres de Lévi-Strauss d'ailleurs, comme la plupart des structuralistes de la veille, d'ailleurs, ce qui n'empêche pas Lévi-Strauss d'être encore parfois intéressant; Bouveresse sur le mythe du progrès, trop de citations de Karl Kraus, et j'ai déjà trop de Karl Kraus pas lus; rien en poésie; rien en BD; rien en romans; rien sur les livres d'échecs; rien en biographies; un autre livre des éditions Kimé sur Hegel et l'objectivité (tellement «actuel»); Stiglitz sur les inégalités, trop centré sur les États-Unis et des personnages particuliers du moment (déjà passé d'ailleurs) de la politique et de l'économie américaine: livre destiné à la poubelle dans un avenir rapproché; Amartya Sen: jamais réussi à m'intéresser à cet économiste drabe, pourtant prix Nobel, et c'est pas le premier: c'est à croire que les prix Nobel sont tous ennuyants; Contre la méthode, Feyerabend, craqué, devrait être substantiellement réduit, mais ça n'arrivera pas, va partir vite; si vous voulez emmerder un de ces petits cons de libraire de la rue Mont-Royal, demandez-lui s'il a des livres de Feyerabend (auteur qu'aucun de ces cons de libraires ne connaît): il est d'ailleurs classé un peu partout parfois, en philo, en sciences, en sciences sociales, et parfois même dans la section Anarchie (!), allez connard, va; un autre livre de Zizek, plus intéressant sur YouTube, avec ses tonnes de tics; Naomi Klein, oh cette terre qui va sauter!... pu capable, va chier; vieille édition de La Cathédrale de Huysmans, mais j'ai acheté la neuve l'autre jour!; encore un livre sur Spinoza, comme si c'était une panacée; Jerphagnon, bits and bites, trop exploité; Romain Gary, un véritable génie, pas mal certain; un livre de Joël de Rosnay, bientôt chez les Raëliens; Hubert Reeves, j'aurai pas le temps; Hannah Arendt sur l'impérialisme, got it all; Hémisphère Gauche de Keucheyan, trop au passé, trop espacé, rien à foutre de la recap, innove crisse!; y a d'autres livres, mais j'arrête ici.

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