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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 4 février 2017

Ce qui me rend heureux

La créativité.

Quand ça bouge dans ma tête, que les idées s'activent, que les liens se font, que je perçois de nouvelles perspectives inspirantes, que je navigue mentalement dans mes lectures, dans les idées, dans les époques, c'est à ce moment que je suis bien, que je suis «un» avec moi-même, que je suis heureux, quoique je ne m'en rende pas toujours compte.

Quand je suis centré, concentré, dans «mon monde», je suis en harmonie avec moi-même, avec le tout.

J'ai toujours la plus grande difficulté à atteindre cet état, pour toute sorte de raisons, parfois impondérables, et c'est ce qui fait mon plus grand malheur, c'est ce qui m'empêche d'avancer.

L'isolement m'aide à l'atteindre, l'anxiété le détruit ou le repousse indéfiniment. Ma première source d'anxiété, ce sont les soucis d'argent. En quelque sorte, ce souci incontrôlable d'argent m'empêche d'avoir de l'argent. Je suis dans un cycle d'autodestruction comme ça depuis des années.

Cependant, parfois, je peux fermer mes portes, mettre mes écouteurs, me «resserrer», plonger dans un livre que j'aime, et pourtant, tout semble encore lent et lourd: je n'arrive pas à atteindre l'état de légèreté tant aimé. Je prends une heure pour lire une seule page d'un livre de philosophie, et je ne suis pas même certain d'avoir compris quoi que ce soit. Je peux aussi refermer le livre, et je ne me souviendrai plus de rien quelques minutes après: je suis dans les «limbes» tant détestés. Je suis alors stérile, infertile, improductif, infructueux, et ça me tue.

Pourquoi? -Je ne sais pas, mais le corps ne semble pas tout le temps vouloir suivre. Le corps est une machine compliquée, comme l'esprit: le contrôle de leur mécanisme complexe échappe au pouvoir d'un seul individu, comme d'une multitude.

Bref, je n'ai pas le contrôle sur mon «bonheur».

Quand je suis bien heureux, je fais souvent des plans sur plusieurs années, avec de grands projets qui demandent une somme d'énergie considérable. Mais bien souvent, aussi, quelques jours plus tard, je dois tout effacer et jeter aux poubelles mes ambitieux échafaudages, car c'est la banqueroute physique, morale et intellectuelle.

Mon énergie marche par accumulation paroxystique-décharge complète: je suis un type «passionné», un peu comme sur le principe d'une bombe.

Quand je pense à une chose, elle occupe toute ma tête, tout mon corps, toute ma vie: elle m'envahit, prend possession de moi, je deviens un «médium» de cette chose, un peu comme un démon l'est par le diable.

C'est pour ça qu'à un moment donné, je suis «vidé»: c'est malheureux, mais il est inévitable que je le devienne en fonctionnant ainsi.

Je ne semble pas avoir de contrôle sur cette façon d'être.

Je ne sais qu'une chose: l'isolement dans «mon monde» me nourrit; l'extérieur, la plupart du temps, quand je suis obligé d'y penser, d'y fonctionner, me vide, me tue.

Je suis bien en moi, dans mes choses, dans mon monde, je suis heureux.

Mon monde, mon laboratoire, c'est la plupart du temps ma bibliothèque.

Mais ce peut être aussi un café, si j'arrive à bien m'y centrer en moi-même.

Au fond, si j'arrive à bien me centrer en moi-même, je suis partout chez moi: il n'y a plus d'«extérieur».

Il y a quelque chose de très profond dans ces paroles de Hegel:

«L'essence de l'esprit est la liberté, il est lui-même dans son Autre. L'esprit est cet "être-chez-soi" dans son Autre.»

3 commentaires:

  1. J ' aime ton texte - très sincère -
    c ' est vrai , on est parfois si bien en soi-m^me , en paix !
    Le monde est plein d ' antinomies -
    L ' univers est aussi notre home , qui nous apporte déboires mais aussi tant de bonnes choses - ce qui explique peut-être aussi ( ces antinomies ) qu ' on ne puisse parfois écrire ou lire la moindre page alors qu ' on se sent bien ( je ne suis pas philosophe mais dessinateur et connais aussi l ' angoisse de la page blanche ) - c ' est ainsi -
    amicalement ,

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  2. Dans cette civilisation anxiogène nous ne sommes bien que dans la solitude ou le sommeil... On devrait l'être tout le temps et toutes circonstances s'il y avait de la beauté toujours à portée de main...

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