«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 24 avril 2025

Une vie

Une vie a un début, un milieu, et une fin.

Pour ma part, je ne sais pas si je suis à la fin du milieu ou au début de la fin.

Plus ça va, plus je me sens loin de tous mes rêves et projets. Je suis souvent nostalgique d'un paquet de choses, surtout de Montréal. Tout le temps du passé me paraît précieux. Mais où est donc tout l'avenir là-dedans? La possibilité de créer d'autres moments précieux et inoubliables? Je sais qu'ils sont là quelque part et qu'ils attendent d'être découverts, si je suis attentif, disponible, réceptif, en un mot: libre pour l'avenir, qui est ouvert.

Les problèmes de santé que je ne prenais pas trop au sérieux au début, sont venus à m'envahir, et même s'ils sont considérés comme bénins, ils me tuent à petit feu, et peuvent me tuer à tout moment. Le temps est venu du vrai travail spirituel, par rapport à ce qui n'était avant que du bavardage.

La pensée de la mort, qui ne m'avait jamais impressionné auparavant, vient me terroriser maintenant quotidiennement. C'est un sentiment singulier dont on ne peut plus se débarrasser une fois qu'on en a fait l'expérience vertigineuse. Pour une fois on en vient à briser l'enveloppe des mots pour se frapper à la réalité nue de la souffrance, du déclin, de la fin, de l'irréversibilité et de l'éternité. Bref, du possible non-sens de tout, sauvé cependant par la beauté, qui est là aussi quotidiennement sous nos yeux, si nous nous tournons vers elle. Il faut avoir espoir qu'il y aura toujours quelque part de la beauté pour nous sauver un moment de bonheur. J'écoute le chant des oiseaux à l'aube, et je sais que j'existe, et que l'espoir est vrai. Une mouche est gobée par une grenouille dans un marais perdu, c'est la vie, je n'ai peut-être pas plus d'afterlife qu'elle. La vie est ainsi, ni vu ni connu. Nous ne sommes personne. Cela souligne l'importance de pouvoir vivre chaque instant dès maintenant, pour ce qu'il est, rien de plus, rien de moins.

Pour la première fois, j'arrive à goûter presque chaque moment de mon passé à marcher et à vivre dans les rues de Montréal. Quand j'y étais, par contre, je maudissais la ville, et je voulais partir pour n'importe où ailleurs. Aujourd'hui je sais que mon histoire et ma vie sont là, et sont connectés avec une longue chaîne de vies passées. La plus grande partie de mes moi hantent cette ville.

Pourtant, lorsque j'y étais, les moments ont été rares où j'ai pu suivre mon inspiration, j'ai toujours eu l'impression que de passer mon temps à lutter pour survivre, et combler le temps qui reste à satisfaire des pulsions, au lieu d'écrire l'œuvre dont je rêvais, ou de faire les lectures que je trouvais essentielles.

J'essaie de rattraper ce temps perdu et d'être attentif à ce qui est souvent la trompeuse banalité de ce qui est précieux. 

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