Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 14 décembre 2022

J'ai l'impression que...

Oui j'ai l'impression que mon cerveau se désagrège, que j'ai manqué un bout, bla bla bla, plus rien n'a de sens, on dirait que je tourne en rond, que je pense une chose et son contraire, je ne me souviens plus de mes lectures, comme si j'avais perdu mon temps, comme si mes heures s'étaient envolées sans souvenir, comme si je n'avais pas été pour un moment, disparu dans la quatrième dimension, je ne sais plus si je crois ou non, je semble croire en Jésus Dieu Mahomet et tout le tralala les extra-terrestres, mais en même temps, j'en fais rien, et je me comporte comme s'il n'y avait que le néant et la mort, la mort j'y pense presque tous les jours, c'est ce qui me différencie de ma vingtaine, c'est mon nouveau trademark, avant j'y pensais oui, mais comment dire, ça ne semblait jamais être vraiment la fin, je ne sais par quel tour de passe-passe il y avait une suite, ça ne m'effrayait pas tant que ça, maintenant, je suis terrifié, je me rends compte qu'il n'y a rien de tout ce que j'ai cru qui était solide, tout est chambranlant, depuis toujours en fait, c'est ça qui est terrible, qu'est-ce qu'on fait maintenant? les atomes sont là, les planètes les galaxies les gènes, mais on comprend rien, c'est ainsi, homme femme, animaux, arbres, insectes, poissons oiseaux bactéries virus molécules, ça fonctionne comme une machine, eh d'accord! pourquoi? va donc savoir, nous nous pensons conscients par rapport aux animaux, mais au bout du compte, si on ne peut dire pourquoi nous sommes là, ni dans quoi nous sommes, notre sort est semblable à ceux des animaux, mais à un niveau plus élevé, j'ai l'impression d'être trempé dans un bain d'acide, tout ce que j'ai été, tout ce que j'ai pensé fond fond, j'ai l'impression d'être irréel, de ne plus exister, de ne plus avoir de direction, je me sens balloter dans le vague, j'ai des projets, mais soit je ne les commence pas, soit je les finis pas, ça traîne depuis des décennies, ça m'étonnerait que je fasse quoi que ce soit finalement, tous mes projets sont des projets avortés, j'imagine mes livres traverser le temps, les générations, et tomber en poussière, il ne restera rien un jour de tout ce qui m'entoure, de tout ce qui est mien, de tout ce à quoi j'ai pensé, de tout ce que j'ai aimé, tout aura disparu, absolument tout, qu'est-ce qu'on fait ici donc? si on cherche tant d'être immortel c'est parce qu'on l'était avant, on était des dieux, et puis? quel est le sens de tout ce bordel? atomes quarks cordes bosons énergie noire, comment l'infini peut-il avoir un sens? c'est impossible, le cerveau est une erreur, il est pris dans son bocal, et ça rouille, et il se rend plus compte qu'il existe, comme moi en ce moment, les hormones ont capoté, on dirait qu'on se fatigue de vivre, que toutes les choses qui étaient très importantes avant, ne le sont plus, et sans raison, comme si tout avait été relativisé à mort, sans avoir rien fait, je ne suis plus sûr de rien, maintenant je me sens pris en bateau, il n'y a aucune île alentour, et il n'y en aura pas, on est pris en mer pour l'éternité, tout s'est effondré comme un château de cartes, je me suis rendu compte de rien, j'en suis rendu gaga, il n'y avait rien sous la coquille, c'était ça, le vide, le soleil brille la lune les nuages les pissenlits sous la pluie, mais ils ne sont plus à moi, ils passent, et moi je passe, c'est comme malaxer du vide dans du vide, il y a des choses que je ne suis plus capable de faire, de sentir, d'éprouver, comme si j'avais été amputé d'une partie de moi-même, amputé du passé du futur, je compte les années par en arrière, j'existe pour je sais pas quoi, j'ai pas de cause non plus, je vais à la dérive pour sûr, je ne comprend pas comment je pourrais revenir au rivage, qui n'était qu'une illusion parmi toutes les autres qui ont fait par la suite surface, j'accumule de l'argent, je la dépense, pour rien, c'est comique, oublions les titres, ils n'ont plus cours, pourquoi sommes-nous si mécaniques?

Aucun commentaire:

Publier un commentaire