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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

jeudi 24 novembre 2022

Illusions du moi

Je crois qu'il y a certains éléments en moi qui changent, et d'autres non. Si je parlais au moi de mes 20 ans, j'aurais affaire à une autre personne, une autre façon de penser, de sentir, d'agir et de réagir. Néanmoins, je reconnaîtrais un certain air de famille, disons, comme dans un fils. Je ne serais jamais complètement étranger à moi-même.

Par contre, si je ne savais pas que c'était «moi», je dirais que c'est une autre personne à coup sûr... Et il en serait de même pour le moi de mes 30 ans, 40 ans, etc. Qu'en sera-t-il de mon moi actuel par rapport à mon moi de 100 ans? Je pourrais alors exploiter mes souvenirs, si j'ai encore bonne mémoire, mais je ne serais plus du tout la même personne, ni au point de vue physique, ni mental. J'aurai pratiquement tout perdu de ma vie antérieure.

Il m'arrive le soir de me coucher et de me dire «c'est moi».

C'est ce moi que je suis qui un jour ne se réveillera plus le matin. N'aura plus de nouvelles images de sa vie à regarder. Non, un jour les images arrêteront de défiler dans ma vie, et dans ma tête. Tout cela sera terminé, à jamais. La mort est bien la pire chose pour un esprit comme le mien, qui veut toujours apprendre et penser.

J'ai l'impression que la plupart du temps on se sent comme dans un jeu vidéo. Nous ne sommes pas conscients qu'à chaque instant notre vie est en jeu, et qu'elle peut se terminer à tout moment. Nous prenons pour acquis que demain, au réveil, nous ouvrirons les yeux, et que ce ne sera qu'une autre journée, comme d'habitude, avec son lot de problèmes et de petites joies.

C'est à se demander, s'il ne restera rien de moi, à quoi me sert-il d'être là présentement? De souffrir, de faire des projets (qui finiront en poussière), d'avoir des idées? Tout cela sera bouffé par les cyclones de Jupiter.

Même l'existence de Jésus me devient douteuse par moments. Je me dis «à quoi bon tout ça, merde!». Il y a zéro preuve de tout ça non plus. Il faut se fermer les yeux et croire, croire, croire... Mais je n'ai jamais été capable de faire ça! Je me dis que ça n'a aucun sens. Pourquoi l'absurdité «Jésus»? Mort sur une croix! Pour nous! Hein? Comment ça pour nous? C'est pas possible, ça n'a aucun sens. S'il y a bien une chose dont j'ai peur, c'est que nous soyons damnés éternellement parce que nous avons mis le fils de Dieu sur une croix... C'est bien plutôt ça qui aurait du sens. Que nous aurions à payer un jour de ce que nous avons fait par un apocalypse final qui détruira cette engeance d'humanité ratée pour toujours.

Oui, c'est ça qui a du sens. Que depuis ce temps où nous avons tué notre Sauveur, nous soyons désormais des laissés-pour-compte. Ceci expliquerait pourquoi il n'y a plus eu de prophètes par la suite, ni quoi que ce soit d'en-haut, ni surtout aucune prière qui pouvait empêcher Auschwitz et toutes les autres innombrables horreurs. Dieu n'est plus là pour nous protéger depuis longtemps. Nous sommes laissés à nous-mêmes, dans notre merde. Nous avons prouvé que nous aimions notre merde, alors il nous a laissés dans notre merde pour de bon.

Nous sommes une humanité condamnée. Nous périrons tous et il n'y aura aucune résurrection de rien.

C'est la seule explication que je peux trouver, et qui fait encore du sens... même si c'est horrible.

Alors je regarde les images de la réalité qui sont devant mes yeux. C'est comme un film au cinéma. Je me détache de ces images, et j'entre en moi-même, il y a d'autres images. Je me détache de celles-là aussi. Où est le «moi»? Qui suis-je? Je suis le témoin involontaire de ma vie, d'«une vie». Une vie vouée à la damnation, aux pleurs, à la perte. Une vie vouée à la douleur, au néant et au non-sens.

Une vie où la cruauté est la valeur cardinale.

Une vie où il ne sert à rien de se «retrouver», et où le bonheur est comme un hoquet.

À moins que tout cela ne soit qu'une illusion, c'est cette camelote qui nous attend et que la vie s'empresse de nous servir.

C'est comme une mauvaise blague. Une farce sinistre.

Nous sommes faits comme des rats.

Il doit bien y avoir une solution...

Pour cela, il faut peut-être regarder par le chas de l'aiguille, là où le chameau ne passe pas?

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