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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 4 août 2021

Que faire dans un monde de pourris?

Il est très facile à des petites têtes d'avoir les idées claires, sauf qu'elles ne vont pas plus loin que le bout de leur nez. Si les gens mentent, ils mentent; s'ils volent, ils volent; s'ils abusent, ils abusent; s'ils manipulent, ils manipulent; s'ils sont méchants, ils sont méchants; s'ils sont corrompus, ils sont corrompus; s'ils sont injustes, ils sont injustes: ils adoptent une espèce de loi du talion, ou de «loi du caméléon», qui s'adapte parfaitement à leur volonté de conformisme et de réussite sociale tordue, dans un monde où les honnêtes gens peinent à survivre submergés qu'ils sont par la prolifération de la merde. Et les croches, évidemment, se rassurent dans leur malveillance en se disant que ça fait juste partie de la game, et c'est ainsi qu'ils se déresponsabilisent et se débarrassent de tout scrupule, leur permettant de libérer la bête en eux. Ils arrivent aussi à se reconnaître entre pairs en se jouant des petits tours, souvent inoffensifs pour eux, puisqu'ils connaissent toutes les astuces, mais qui font de véritables victimes collatérales.

La société est peuplée de pervers psychotiques, de malades mentaux inclassables, de chiens sales, de sadiques, de déséquilibrés, de mythomanes, de corrompus, de voluptueux, d'avares, de menteurs professionels, de minables, de vauriens, de méchants, de trous du cul, d'écœurants, d'abuseurs en tout genre, de vicieux, de crottés, de cruels, de violents, de lâches, d'opportunistes, de mesquins, de profiteurs, de fraudeurs, de salauds, de bitches, d'égocentriques, d'hypocrites, de détraqués, de philistins, et j'en passe. Cette liste est encore trop courte. J'aurais besoin de quelques pages pour faire l'inventaire complet de la pourriture humaine.

Aucune de ces ordures ne va perdre son temps à lire un livre ou à se cultiver, et encore moins à se tourner vers une quelconque forme de spiritualité, puisqu'ils ne croient en rien, et de plus, ils n'ont pas peur de le dire au premier venu. C'est comme leur fierté de dire qu'ils ne croient en rien, mais n'essayez pas de comprendre pourquoi. Ils doivent se sentir forts ainsi, alors qu'ils n'en sont que plus faibles. Par exemple, il peut parfois leur arriver de bien connaître la culture, mais jamais ils ne seront cultivés. Ces charognes endurcies sont les ennemis du genre humain et de toute vie normale et saine en société, et aimeraient bien contaminer le peu d'air frais qu'il nous reste. La religion ou la spiritualité ne garantissent pas non plus, à ce qu'il semble, contre cette sorte de déchéance. Les pires éléments se tapissent souvent même dans les endroits qu'on serait les derniers à soupçonner, et c'est pour ça justement qu'ils sont là.

Quand on se fait servir la médecine de ces gens-là à longueur de vie, il est très tentant de se mettre à leur école de pourris et de faire comme eux, ou à tout le moins, de leur rendre la pareille. On se dit que ce ne serait en quelque sorte que justice rendue, et ça ferait aussi tellement du bien. Cependant, juste avant de «fesser dans le tas», on finit toujours par tomber sur la bonne petite madame ou le bon petit monsieur qui n'ont rien à voir là-dedans, et on se retrouve tout d'un coup désarmé et dégonflé. On se demande comment ces agneaux inoffensifs ont fait pour survivre aussi longtemps sans perdre de morceau parmi les meutes de loups. À ce jour, c'est encore pour moi un sujet d'étonnement de constater l'existence de ces bienheureux îlots de résilience.

D'après l'étude de Dunedin, une étude effectuée pendant 40 ans, et toujours en cours, sur environ 1000 sujets depuis la naissance et dans tous les aspects de leur vie, je tombe dans le pire des 5 types de personnalité: l'«indiscipliné». La plupart de ceux qui appartiennent à ce type sont en prison, l'ont déjà été, ou vont l'être, car ils manquent de «maîtrise de soi» (self-control). Il va sans dire que j'ai fait cette découverte à ma grande déception, sauf que je n'étais pas surpris et que ça m'a permis de comprendre pourquoi j'ai fait face à autant de problèmes dans ma vie. Je suis naturellement rebelle à toute autorité, je suis impulsif et excessif. Bref, je n'ai que des défauts. Alors, aussi mal parti dans la vie avec ce genre de bagage, comment ai-je fait pour me retrouver des drogues dures et de la criminalité, auxquels j'étais comme destiné par mes gènes, à universitaire, intellectuel, sérieux et sobre? J'ai baigné dans la dysfonctionnalité humaine pendant des années, et au lieu d'empirer comme les autres, j'en suis sorti comme de l'acier trempé, plus solide que jamais. À ce jour, je n'arrive pas à comprendre mon exception. Pire encore, je ne m'en rendais même pas compte. Pour moi, ma vie avait toujours été comme un fil continu. Mais pourtant, si on regarde ça objectivement, j'ai énormément changé. La seule raison que je peux trouver, c'est que j'ai réussi à dompter ou à convertir mes défauts, car mes défauts sont, oui, toujours là. Je me souviens, à un moment donné dans ma trentaine, d'avoir eu un «déclic» d'empathie: j'ai compris que j'étais «méchant», que j'étais une «mauvaise personne» et que je faisais du mal. Je me suis alors senti très coupable.

À partir de là, les choses ont changé. J'ai cherché, à tout prix, à fuir mes défauts, et surtout, à arrêter de vouloir me faire passer avant les autres. Aucun psychologue n'a pu m'aider, et ne m'a jamais aidé d'ailleurs, ni aucune pilule. Mon excessivité est passée, un peu par accident, dans le jeu d'échecs et dans la passion pour la connaissance. Mon progrès s'est fait très graduellement au fil des années, mais j'avançais toujours et ne reculais jamais. Mes intérêts ont complètement changé. J'étais beaucoup plus heureux et bien dans ma peau qu'avant. Je connaissais enfin une sorte de stabilité grâce à mes bons choix de vie. Bien que j'étais continuellement pauvre, je voulais m'en sortir, je voulais avoir une vie meilleure. J'étais prêt à faire n'importe quelle jobine pour avoir la paix et échapper à l'ennui qui me tourmentait constamment. Mais j'en voulais tout de même beaucoup à la société d'être réduit à vivre dans un monde aussi plat et abêtissant de métro-boulot-dodo. J'étais pauvre, je ne pouvais accéder à rien, ni rien me permettre, alors j'ai commencé à lire à la bibliothèque.

Je me souviens que je foutais le bordel dans la bibliothèque, je faisais de grosses piles de livres sur les tables, je remplissais religieusement et sans relâche des petits papiers pour avoir des livres dans la réserve, j'étais complètement dément. J'empruntais aussi toujours beaucoup de livres, que je lisais soigneusement, en prenant des notes. Les bibliothécaires ont dû trouver que je leur donnais beaucoup d'ouvrage. J'étais connu. Je préférais de beaucoup, il va sans dire, être connu des bibliothécaires et des libraires que des services policiers. Je suis certain que dans bien des librairies on me prend toujours, aujourd'hui encore, pour une sorte de crackpot. J'imagine que quand ils me voient arriver au loin ils se disent intérieurement: «ah non, pas encore ce fatigant-là!». Oui, comme vous pouvez vous en douter, je suis un client difficile à satisfaire, et parfois même, «difficile» tout court. On m'en veut d'être aussi passionné, et bien qu'on me considère comme persona non grata, je m'en moque éperdument, car au fond, c'est bien moi qui fais vivre ces salopards de libraires avec les milliers de livres que je leur achète. Ils peuvent bien me snober en pensant que moi j'ai les moyens de me payer des livres, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que moi je suis capable de me priver de manger pour pouvoir me payer un livre, car je suis un vrai passionné. Encore là, on peut voir que mon côté excessif n'a pas disparu, il a juste été converti pour le mieux.

Même si le monde qui m'entoure va mal, vit mal et pense mal, je n'ai toujours pas envie de faire comme eux. Même si je ne suis né qu'avec des défauts, j'ai toujours conservé quand même des idéaux élevés.

Selon moi, une des maladies de l'époque, c'est le manque d'idéalisme. Nous nous sommes empêtrés dans le réalisme, le matérialisme, la finance, l'économisme et le calcul politique, et on voit maintenant où cela nous a menés: à la laideur morale, au cynisme, à la banalisation de la violence et de l'injustice, et à la guerre de tous contre tous.

Ce n'est pas ma conception de la «vie bonne», et jamais je ne plierai dans le mauvais sens.

J'aimerais que tous puissent garder l'œil rivé sur la bonne étoile, celle qui est la plus belle, la plus brillante et la plus élevée. Celle qui donne envie de bénir cette vie et d'aimer.

Si la flamme de l'espoir ne brûle pas dans votre cœur, retirez-vous, car il est grand temps que vous fassiez autre chose de mieux pour vous, et pour la société dans son ensemble.

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