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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

lundi 23 août 2021

La pensée est physique

Nous avons tendance à croire que la pensée est immatérielle, virtuelle, comme la réalité que nous percevons sur nos écrans, et qui serait aussi virtuelle. Ce que nous oublions trop facilement, c'est que l'Internet est concret, il est physique, car sans ses immenses câbles souterrains, dont nous n'avons pas conscience, il n'y aurait pas d'Internet ni de réalité «virtuelle». 

Quand je lis le mot «pomme», je ne peux pas dire que le résultat de la lecture de ce mot soit matériel ou physique, car cela ne fait apparaître aucune pomme devant moi, mais j'ai pourtant la représentation «pomme» à l'esprit, qui elle-même est matérielle. Le mot renvoie aussi à quelque chose de concret, de «physique», la pomme réelle que j'ai déjà perçue, goûtée, sentie, mais ce n'est pas toujours le cas. Il peut arriver que le mot, ou un ensemble de mots, ne renvoient à rien, comme par exemple des caractères inconnus gravés sur une pierre, qui semblent former un langage, mais dont nous n'avons pas la clé, telles les inscriptions sur une pierre retrouvée sur l'Île de Pâques.

Nous savons que ces inscriptions sont la marque d'un être doué de conscience et d'intelligence organisée, mais sans plus. Ces inscriptions ne renvoient à aucune «réalité virtuelle» pour nous, elles ne restent que des gravures physiques dans la pierre.

Ainsi, quand j'ouvre un livre, un roman par exemple, je ne lis pas des «caractères», je lis une histoire. Ce que je lis produit des représentations en moi, mais ces représentations sont produites par une sorte de «câblage» intérieur, par les neurones, la mémoire, etc. Et ces structures physiques qui me permettent de penser et de me représenter les choses sont alimentées par un «carburant», le glucose. Quand je pense, je n'ai aucune conscience des flux électriques qui parcourent mes neurones et qui produisent mes représentations. Tout cela semble se faire tout seul en moi et être «gratuit», mais c'est faux, puisque chaque fois que j'ai une pensée, je dépense du glucose. Et c'est en partie la raison pour laquelle le travail de tête est si difficile, car il est très demandant en énergie.

En étudiant un peu ma pensée, j'ai découvert qu'elle n'est pas constante. Parfois ma pensée est fatiguée et confuse, parfois elle est claire et rapide, parfois elle est inspirée, parfois elle est à courte vue. Si je prends le jeu d'échecs en parties de 1 minute comme paramètre de ma comparaison, je m'aperçois que lorsque j'ai faim, je perds continûment au jeu d'échecs, ce qui n'est pas normal. Mais dès que je m'arrête pour manger, je me remets à gagner, et souvent, de façon continue. De même, souvent lorsque je viens de me lever le matin, je joue et je gagne facilement, mais plus la journée avance, plus mes résultats sont variables, et lorsque je suis près de l'heure où je dois me coucher et que je continue quand même à jouer, je perds souvent beaucoup. Si je consomme un plat lourd avant un match, j'ai l'esprit embrouillé et je perds au temps; si je consomme des substances comme de l'alcool ou du cannabis, il m'arrive souvent de gagner beaucoup juste après, mais pour un certain temps. Si je suis anxieux, je commets des gaffes. Si je suis furieux, je peux battre n'importe qui. Si je suis calme comme l'eau qui dort, ma pensée est profonde, ma concentration maximale, je vois loin, je suis redoutable. Si ma concentration est éparpillée par toute sorte de pensées parasites ou de stimuli incommodants, telle une personne qui parle près de moi, des sons quelconques, une télévision allumée, de la musique, etc., j'ai beaucoup de difficulté à gagner. Et pour finir, si je gagne trop, ou trop facilement, je perds l'intérêt et je n'ai plus envie de jouer, et si je persiste à jouer quand même, je commence à perdre stupidement, car je ne réfléchis plus.

Donc, plusieurs facteurs me permettent de mieux jouer aux échecs et de gagner: le repos adéquat, une alimentation adéquate, un environnement peu dérangeant, une concentration intense ou un bon équilibre entre concentration et attention, une certaine «agressivité» ou volonté de vaincre, et mon intérêt dans le jeu. Visiblement, la pensée ne repose pas sur des bases immatérielles et non mesurables. Elle est très physique et changeante. On ne serait pas pris au sérieux si on disait que l'image sur l'écran de télévision est «immatérielle». Même chose pour les représentations dans notre esprit: nous avons l'impression qu'elles sont immatérielles, mais elles sont effectivement matérielles, et donc physiques.

S'il y a quelque chose d'immatériel dans l'esprit, ce ne peut être la pensée.

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