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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mardi 3 août 2021

Une vie dans l'espoir

De toute évidence, nous vivons dans une sorte d'illusion auto-rassurante lorsque nous ne croyons pas devoir mourir bientôt.

Par exemple, comme maintenant, je ne crois pas à ma mort. Je ne sens rien de particulier dans mon corps, aucune douleur étrange, je ne vois pas alors pourquoi je devrais mourir subitement. Je n'ai pas non plus à sortir ou à faire d'activités potentiellement dangereuses, comme conduire une auto, ou carrément dangereuses, comme escalader une montagne.

Je fais donc des plans pour la journée et pour l'avenir. J'organise ma journée comme d'habitude, et ne pense plus à cette éventualité. Bref, je fais comme tout le monde.

Comme ça en plein jour, je ne sais pas pourquoi, on dirait que les chances de mourir avoisinent, pour nous, presque toujours zéro. Il y a plein d'autres choses à penser de mieux que ça. Il y a plein de distractions qui nous procurent un certain plaisir, un certain réconfort. Il y a la télévision, qui nous fait penser à la politique et à l'économie, et qui nous fait aussi penser à la mort des autres avec les faits divers et la pandémie... Cette mort des autres ne nous fait pourtant pas penser directement à notre propre mort.

On se dit: «S'il m'arrive quelque chose, on va appeler les secours et on va réussir à me sauver in extremis!». On s'arrête précisément , et on ne pense pas plus loin, on se rassure intérieurement sans en être conscient. On ne pense jamais qu'à un moment donné, rien ne pourra plus nous sauver. Qu'il n'y aura plus aucun recours, peu importe les efforts déployés! Qu'on ne pourra pas toujours vieillir, mais sans passer à la prochaine étape, l'étape finale et terminale!

Cette espèce de voile protecteur qui nous empêche de voir l'évidence ultime est très étrange.

On fait toutes sortes de choses dans la vie, on possède toutes sortes de choses, et on se croit toutes sortes de choses, on se croit aussi très importants parfois, même trop.

Personne ne semble jamais réaliser, dans toute cette comédie de l'existence humaine, qu'à la fin de la pièce, on y laisse sa peau. Peu importe ce qu'on a fait, ce qu'on a eu, ce qu'on a vécu, ce qu'on a été, tous nous mourons à la fin, et plus rien ne reste de nous: c'est la fin de l'histoire.

Les documents comme les photos, les objets, les écrits restent, mais encore faut-il que quelqu'un s'y intéresse, et que l'intérêt se perpétue. Cependant, on peut facilement comprendre qu'il est impossible que cet intérêt se perpétue dans l'infinité du temps et de l'espace. Ainsi, à la pensée de ces «deux infinis», le sol se dérobe sous nos pieds. Le filage est mis à nu et nous subissons le choc du néant de toutes choses.

Nous sommes doublement ignorants en ce que nous ne savons pas non seulement ce qu'est la «mort», mais pas davantage ce qu'est la «vie».

Tous semblent savoir ce qu'est la vie, et tous se jugent aptes à pouvoir apporter des réponses. Or, les réponses dont on nous gave ne sont que des opinions.

La plupart du temps des opinions de dormeurs, pour d'autres dormeurs.

C'est ici que la vertu d'humilité est le plus à sa place, car personne ne sait.

Il faut être capable à tout le moins d'avouer qu'on ne sait rien de rien.

Toutes nos pensées ne sont qu'un vide abyssal.

Nous sommes des néants épileptiques. Des néants affairés, frénétiques, oublieux de notre condition première. Nous versons du vide dans du vide, et après ça nous avons peur des fantômes, sans nous rendre compte lorsqu'on s'y attarde un peu, que nous sommes aussi effrayants que ces spectres.

Si l'optique de la mort peut nous amener à mieux envisager la vie, à y percevoir de nouvelles choses, voire, la «vérité», il faut y voir un remède à l'inconscience et à la futilité généralisées.

En effet, la mort nous concerne tous.

Ainsi, la vie, par contrecoup, nous concerne tous aussi.

Il vaut la peine de trouver la vie étrange, et de philosopher en se tournant avec ardeur vers la vie spirituelle.

La vie est un combat à mort pour ne pas retomber dans des formes de pensée rigides, non-spirituelles, non-vivantes.

Ainsi l'Esprit peut-il vivre à travers ses véhicules de chair bientôt caduque.

Nous sommes habités par le divin, et il ne faut jamais oublier cette étincelle qui fait naître notre conscience.

Notre devoir est de veiller sur la flamme de l'espoir, car l'éternel est en nous.

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