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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

dimanche 31 juillet 2016

La fin de l'argent et du travail

Mes amis, un jour, nous serons tous des BS. Les scientifiques sont sur le point de faire plusieurs découvertes majeures qui rendront tout travail (tel qu'on le connaît) inutile.

Il n'y aura plus d'argent. Comment fera-t-on pour que l'homme soit incité à innover, à continuer de se dépasser, au moins au nom du progrès de l'ensemble de la société? - Pas besoin de l'homme pour ça, l'intelligence artificielle le fera pour nous, mieux, et plus rapidement. Des IA dont les connaissances et les capacités sont constamment en progrès sont actuellement à l'essai dans toutes sortes de domaines. Si les IA peuvent apprendre toutes choses comme l'homme, et même plus rapidement et mieux que lui, ainsi que retenir indéfiniment tout ce qu'elles apprennent, nous serons amplement dépassés par les machines que nous avons créées, et c'est tant mieux. Les chercheurs sont sur le point de créer une superintelligence quantique qui prendra toutes les décisions et prendra la place de l'État (tel qu'on le connaît).

Il n'y aura plus de politiciens (tels qu'on les connaît). Les superintelligences seront comme des oracles qui verront très loin dans le futur de l'humanité. Au moyen de leur vision totale et intégrale, ils pourront faire des prédictions pour tout ce qui nous concerne actuellement, et pour tout ce qui ne nous concerne pas encore et dont nous n'avons aucune idée. Elles pourront prendre toutes les décisions les plus importantes de façon entièrement éclairées, et les appliquer.

Les hommes seront éternels. L'être humain ne «meurt» pas; il n'y a pas de nécrose programmée dans l'ADN humain, comme dans aucune autre forme de vie d'ailleurs. Ce qui tue les hommes, c'est l'usure des organes, de la structure osseuse, de l'épiderme, du cerveau, etc. Si on pouvait changer les pièces qui s'usent au fur et à mesure, ou les régénérer, ce qui serait encore mieux, les hommes ne mourraient pas. C'est en partie de cette façon que les êtres humains deviendront immortels. Les cellules souches et le design génétique et d'autres procédés empêcheront l'homme de vieillir dès la maturité atteinte.

On peut se demander légitimement ce que les hommes feront une fois qu'ils n'auront plus besoin de travailler. En effet, on s'imagine des gens désœuvrés, en pleine déchéance, faisant n'importe quoi pour se désennuyer, consommant drogue, alcool et sexe, mais on ne pense pas aux gens retraités, qui paradoxalement, lorsqu'ils ne travaillent plus, sont plus occupés que jamais... Ils s'occupent de quoi? - De choses futiles: garder les petits-enfants, faire du jardinage, aller voir des spectacles, voyager, etc. Le futile est plus occupant que l'utile. L'avenir ne sera plus à l'utilité, mais à la futilité. Nous aurons cessé de vouloir être «utiles», de vouloir «servir», de nous comporter en «serviteurs». L'être humain n'est pas fait pour «servir» et il doit se déshabituer de ce comportement. Tous nous serons des individus autonomes, créatifs, respectueux, quand même compétitifs, mais davantage collaboratifs. Les gens vivront en associations, en communautés, et pourront définir leurs villes à leur guise. Si une communauté veut revivre dans un village de style moyen âge, ce sera possible. Chaque communauté s'autodéterminera, un peu à la manière des arrondissements actuels, mais de façon encore plus indépendante.

Les pays n'existeront plus. Nous pourrons voyager où nous voulons, quand nous le voulons, sans passeport, nous pourrons même aller dans l'espace et sur d'autres planètes habitées. Les voyages dans l'espace ne seront plus un monopole d'État, et les coûts ainsi que les véhicules pour y aller seront équivalents à ceux d'aujourd'hui quand on prend son auto pour aller magasiner.

Il n'y a aura plus de magasins, ni de routes (telles qu'on les connaît). Actuellement, les routes servent majoritairement aux déplacements des autos, et les autos se déplacent majoritairement pour des raisons reliées au travail. Le travail étant définitivement aboli, il y aura beaucoup moins d'autos en circulation, jusqu'au jour où il y aura d'autres moyens de transport comme les superloops, qui sont actuellement en développement. Ces engins permettront de voyager à des vitesses fulgurantes dans tous les endroits d'une ville.

L'énergie sera gratuite. Les tokamaks, des chambres à fusion nucléaire, donnent dix fois l'énergie nécessaire à leur fonctionnement. Il y en a actuellement plusieurs de construits à travers le monde, mais d'autres modèles plus puissants et plus stables sont en développement.

Il n'y aura plus de police, de guerre, ni d'armée. Il n'y aura plus de pauvres, mais seulement des personnes vivant richement (si elles le veulent). Il n'y aura plus de prisons, plus de crimes, plus de violence. Les citoyens ne seront pas pucés, mais il y aura d'autres moyens pour les identifier et les contrôler au besoin. Leur santé sera prise en charge à tout instant par des IA virtuelles qui remplaceront les médecins et toute la médecine de pilules pharmaceutico-capitaliste telle qu'on la connaît actuellement. Les IA médecins ne traiteront pas seulement les effets comme on le fait actuellement, mais traiteront les causes et élimineront les maladies ou empêcheront même leur apparition.

Il n'y aura plus de souffrance, ni physique ni psychologique (si l'homme le veut). Les hommes ne passeront pas leur temps à essayer d'éliminer la souffrance par toutes sortes de moyens comme on le fait aujourd'hui, elle sera inexistante. Bien entendu, les individus seront libres de vouloir revivre à l'ancienne, dans un mode de vie rude, mais ils pourront toujours revenir dans la vie sans souffrance. Il leur sera ainsi plus facile de vivre rudement, sachant qu'ils peuvent arrêter l'expérience à tout moment, comme par exemple il est plus facile à un riche de vivre tout à fait comme un pauvre, sachant qu'il peut à tout moment quitter son mode de vie si ça devenait intolérable.

Dans une journée très «chargée», disons, le citoyen de ce nouveau monde rencontre plein d'amis ou plein d'amantes, fait ses activités préférées, établit ses horaires (car il y a trop de choses «futiles» à faire), se déplace extrêmement rapidement d'un point à un autre, socialise, créé, découvre plein de choses, joint ou quitte des associations qui ont toutes leurs propres règles de fonctionnement, leur mode de vie, change de vie, se redéfinit physiquement, psychologiquement, change d'identité, change de planète, créé des objets, des œuvres d'art qui se matérialisent sous ses yeux au moyen d'imprimantes 3D avancées, compose des symphonies sans avoir appris aucun instrument, écrit des livres simplement en les imaginant, écrit sans texte, d'esprit à esprit, fait ressentir des choses, des impressions à distance à une autre personne, etc.

Le citoyen peut aussi joindre une communauté qui vit en l'état actuel des choses, avec toutes les règles présentes, peut-être par conviction, peut-être afin de jouir davantage de son état de béatitude lorsqu'il reviendra au monde de la Cinquième Révolution Industrielle, peut-être afin de connaître temporairement les conditions affreuses dans lesquelles les hommes ont vécu pendant des milliers d'années, sans pouvoir rien y faire, et qui sera, pour les citoyens du nouveau monde, comme un âge des cavernes.

[Je vous invite à aller lire le compte-rendu du Forum économique 2016 sur la Quatrième Révolution industrielle en marche et qui nous tombera dessus d'ici 5 ans, entraînant possiblement 5 millions de pertes d'emplois. Selon le président du Forum, Klaus Schwab, «les ingénieurs, designers et architectes combinent la conception assistée par ordinateur, la fabrication additive, le génie des matériaux et la biologie synthétique afin d’opérer une nouvelle symbiose entre les micro-organismes, le corps humain, les produits que nous consommons et même les immeubles dans lesquels nous vivons».]

samedi 30 juillet 2016

Casser la ligne

S'il y a une qualité qui me distingue, qui détonne, et qui m'a causé beaucoup de troubles dans la vie, c'est l'audace. La sagesse semble mal s'accommoder de l'audace, mais il y a une certaine sagesse à être audacieux. «Il vaut mieux être hardi que prudent», disait Machiavel, sans oublier la suite de cette phrase, «car la fortune est femme... (si on veut la dominer, il faut la battre, la bousculer, etc.)».

Alors il vaut mieux oser, sinon on n'a rien, pas même la sagesse: «la fortune cède plus volontiers aux hommes de cette trempe qu'aux froids calculateurs».

Il y a plusieurs années, je devais me rendre à une entrevue pour un emploi. Le métro est tombé en panne, juste à point, comme toujours. C'était l'heure de pointe. Je me suis rué comme tout le monde aux sorties pour prendre les navettes, mais malheur, il y avait déjà d'immenses lignes et aucun autobus en vue. Mon rendez-vous était limite, il était certain que j'allais le manquer si je partais sagement me ranger au bout de la ligne qui serpentait jusque loin. J'ai donc cassé la ligne...

Tout le monde me dira que j'étais fou de faire ça: effectivement, j'étais fou, et je le suis encore plus aujourd'hui. On m'on dira aussi que c'est un manque de respect flagrant, et patati patata, on me ressortira tous les principes de la morale du troupeau... Or, j'ai toujours été un ennemi du troupeau, et je suis toujours prêt à rentrer dans le tas. Pourquoi je n'aime pas le troupeau? parce qu'il m'a toujours empêché d'avancer en me mettant toutes sortes de bâtons dans les roues. Aussi, parce que j'aime l'action. J'aime foutre la merde, ça me fait jouir. C'est simple: pourquoi le troupeau ne m'aime pas? -parce qu'il faudrait que je m'excuse d'exister, mais que je ne le fais pas, au contraire, je lui remets ça dans la face, je redouble l'affront, je lui en redonne une autre fournée de ma façon.

Bien évidemment, l'expérience valait la peine au moins au niveau sociologique, car les gens se sont mis à réagir en troupeau, en gang, en mob violente et agressive, fallait voir ça: j'étais sur le point de me faire lyncher, de me faire traîner au Golgotha, si je n'obtempérais pas immédiatement aux ordres d'aller à la fin de la ligne (qui s'allongeait de seconde en seconde).

Je me suis défendu calmement, en disant que je devais prendre le prochain bus pour aller à une entrevue. Mais ils ne voulaient rien entendre, à leurs yeux, j'enfreignais toutes les règles établies, j'étais presque un criminel. On voulait se masser pour me frapper, on me faisait des gestes, mais je suis resté à ma place volée dans la ligne, sans broncher. Je les regardais, je les écoutais me crier dessus, mais je suis resté là, comme incrusté, sans rien dire de plus.

Finalement, je suis rentré dans l'autobus. On a essayé de m'arrêter en me dénonçant au chauffeur, mais ça n'a pas marché. J'ai eu droit dans l'autobus à tous les dévisagements possibles, de gens même qu'on n'aurait jamais cru.

Mais j'ai été à mon entrevue, qui ne s'est avérée finalement n'être qu'une rencontre d'information... Quand même, j'aurais pu manquer un emploi! J'ai manqué plutôt de me faire casser la gueule pour rien, mais ça valait la peine de voir la réaction du troupeau.

Je la voyais là, en action, cette masse immobile égalitaire de merde, envieuse au possible.

Moi je dis qu'il faut oser casser toutes les lignes, avoir l'audace de s'opposer à la masse, car l'idée que le nombre fait la force, ou qu'il est plus légitime, ou qu'il est toujours dans la vérité, est fausse.

Les gens perdent leur individualité dans la masse, ils ne sont plus rien, et c'est à ce moment qu'on se demande où sont les héros, car il est beaucoup plus facile d'être lâches en gang que héros seul.

On se sent exister en gang, on a l'impression de ne faire qu'un, d'être forts, puissants.

Mais ce qu'on ne dit pas, c'est que la gang est une pute: elle te fait jouir, mais elle te prend ta substance, ta vie, ta sève, ta jeunesse, ta fougue, ta liberté, ton être, ta folie, et elle fait ça avec tout le monde, de façon égalitaire. Elle te gobe ton énergie avec toutes sortes de contraintes pour mieux te dominer. Et en cela, les gens font le jeu des riches «privilégiés», ils font le jeu du système qui les encule.

Les gens se soumettent docilement à cette maltraitance et veulent tous qu'on les imite dans leur infortune, par une sorte de solidarité hypocrite, mais personne ne veut au fond être traité «comme tout le monde». Tous aspirent en réalité à être traités de façon «privilégiée». Le système se sert de ça, mais il nous dit qu'il faut devenir esclaves avant d'espérer avoir plus... et surtout, il faut faire attention de ne pas mordre la main qui nous nourrit...

«Qui commence par obéir n'en finira jamais», disait Tchouang-tseu...

On veut réduire le héros au silence, au néant, on veut faire de lui un zéro depuis la nuit des temps, mais c'est toujours de lui seul dont on se souviendra.

Il n'est pas normal qu'il n'y ait qu'un seul homme qui ose briser les tables du Temple.

Le courage est une espèce en voie d'extinction...

L'ordre est notre ennemi. La hiérarchie nous tue. La finance nous aliène. Le mensonge est légion.

Remettons tout en question!

Cassons les lignes!

mercredi 27 juillet 2016

123

Les scientifiques travaillent pour qui?

Sait-on vraiment où nous allons? qui dit vrai?

On va probablement savoir la vérité quand il sera trop tard.

samedi 23 juillet 2016

122

Les romans de Kafka sont des images d'une machine qui se détraque.

121

Le moteur du capitalisme, c'est le gaspillage.

mercredi 20 juillet 2016

La sagesse du détachement

On dit souvent «ma maison», «mon auto», mon ci, mon ça...

Mais on oublie que tant que nous serons mortels, rien ne peut nous appartenir...

En effet, comme quelqu'un a déjà dit: on n'a jamais vu un coffre-fort suivre un cortège funéraire...

«Ma» maison, lorsque je serai mort, sera habitée par quelqu'un d'autre. Pire, elle sera peut-être démolie. Et si ce n'est pas tout de suite, elle le sera à coup sûr plus tard.

Tous mes biens iront à d'autres, ou seront vendus, ou même, certains seront jetés.

On n'arrive jamais à se l'imaginer, mais le bel album de photos que je tiens en ce moment entre mes mains, et qui contient les moments marquants de ma vie, pourrait aussi facilement, et incroyablement, se retrouver abandonné, peu de temps après mon décès, dans une valise semi-ouverte, dans une flaque d'eau, dans une ruelle, près des poubelles... C'est possible, je l'ai déjà vu.

Toute une vie se retrouve ainsi, sans plus, aux ordures...

On ne s'imagine pas que personne ne pourrait être vraiment intéressé à nos souvenirs personnels.

Et si on a de la famille immédiate soucieuse de conserver nos choses, on ne s'imagine pas qu'un jour, au fil des décès, notre album de photos court encore le même risque de se retrouver à l'abandon quelque part dans une ruelle.

Après tout, quel intérêt aurais-je vraiment moi-même à conserver des albums de photos de personnes que je n'ai jamais connues, tels des parents très éloignés?

Il faut aussi comprendre que l'espace finit par manquer...

Et si nos souvenirs sont dans un «nuage», qui ira vraiment les voir? et combien de temps? Les accès finiront par se perdre, les paiements d'abonnement ne seront plus effectués, et c'est ainsi que l'on voit toute l'inutilité des appareils électroniques, ainsi que toute l'inutilité qu'il y a à prendre des tonnes de photos, en croyant ainsi vainement avoir des chances de s'immortaliser.

Et si tous les souvenirs de la planète étaient emmagasinés quelque part dans un puissant serveur, who cares? Et surtout, qui pourrait se retrouver dans cette tour de Babel? et après tout, qui perdrait sa vie à regarder celle des autres, alors qu'il ne vit pas la sienne?

Je me suis mis à penser à tout cela alors que je m'inquiétais beaucoup pour l'avenir de mes bibliothèques dans l'éventualité où je viendrais à décéder subitement.

J'ai projeté les choses dans le temps, et j'ai compris qu'il était futile de m'attacher à mes livres.

Mes livres vont probablement finir par être vendus, après avoir été conservés pendant un long moment par ma femme, qui ne pourra pas non plus vivre éternellement. Ils vont s'éparpiller dans différents endroits, beaucoup se retrouveront aux ordures, puisqu'ils seront vieux et usés, et d'autres les suivront, au fil du temps. Les quelques livres de qualité que je possède finiront peut-être par être conservés par des collectionneurs pendant plusieurs centaines d'années, mais cela me surprendrait, surtout avec l'énorme masse de nouvelles publications que nous avons quotidiennement. Peu m'importe. J'ai décidé de ne plus me faire de soucis avec aucune chose matérielle.

À ma mort, je perds tous mes biens, je perds ma vie, ma maison, celle que j'aime, et je perds tout mon vécu, tout ce pour quoi j'ai travaillé toute ma vie, et tout ce pour quoi j'ai souffert.

Je perds absolument tout.

C'est pourquoi j'ai décidé, après cette réflexion sur la vie et la mort, de ne plus me tracasser avec ma relative pauvreté.

Ceux qui refusent l'argent qu'on leur donne, que ce soit d'un héritage, d'un prix, ou d'un soudain succès commercial, ont raison de le faire, car ce n'est pas là l'essentiel.

L'essentiel, c'est l'être humain, moi, les autres, comment je me sens, comment je suis, ce que je pense de moi-même, le bien que je fais aux autres. C'est ce que je fais qui est important, non «qui» je suis.

Ce que je fais doit avoir de l'importance pour moi. Je dois avoir à cœur ce que je fais, et non me prostituer pour des biens ou une situation.

Tant que nous sommes mortels, tout ce que nous pouvons «acquérir» doit être vu comme une simple location. Cela enlève beaucoup de prestige au luxe.

Quand nous oublions cela, nous oublions justement l'essentiel, parce que nous oublions que nous pouvons mourir à tout instant.

Il faut être bien fou pour se casser le cul pour des choses qui ne nous appartiendront jamais. Faisons donc en sorte de prendre au moins plaisir à ce que nous faisons.

Car ce plaisir, qui est véritable et instantané, rien ni personne ne pourra nous l'enlever.

mercredi 13 juillet 2016

120

Comment faire pour manipuler tout le monde?

«C'est simple: vanité! vanité! vanité!

Traitez-le comme la personne qu'il espère être, mais qui, au fond, a peur de ne pas l'être. Il devient accro à cette impression d'être important, et pense que vous êtes le seul à pouvoir lui procurer ce sentiment. Conséquence: il reviendra toujours vers vous.»

Cela était la technique du fraudeur Christian Gerhartsreiter.

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On se pense loin des tribus, mais la guerre de territoire, elle se fait maintenant entre les compagnies, et surtout, à l'intérieur des compagnies, et elles sont aussi sauvages, mais plus hypocrites, plus sales, plus lâches, car exécuter quelqu'un aujourd'hui, en pesant sur un piton, de façon impersonnelle, froide et anonyme, passe pour de la vertu, de la force, du courage même. Les valeurs sont inversées dans le royaume de la lâcheté et des bandits en habits sans scrupules. C'est, à chaque instant, une guerre voilée, nocive, et sans fin, qui ne tue jamais directement, mais indirectement: la guerre économique, la médisance, la guerre des postes, des promotions, etc.

Cette guerre commence à avoir les mêmes particularités que la guerre sans fin contre le terrorisme.

Dans ce schéma, les escrocs financiers, par exemple, pourraient jouer le rôle des «terroristes» en étant ceux qui flouent tout le monde et n'importe qui, au nom du dieu Argent.

Mais aujourd'hui, tout le monde est un «petit terroriste» pour ses propres avantages financiers...

Combien seraient prêts à médire, froidement, sans aucun scrupule, pour obtenir une promotion ou voler le poste de quelqu'un d'autre, ou même, simplement nuire, par crainte de perdre ses avantages?

C'est à ce prix qu'on réussit souvent à «monter» aujourd'hui, et malheureusement, ça marche trop souvent...

mardi 5 juillet 2016

Un monde disparu

Lorsque je descends sur la rue Sainte-Catherine, plein de souvenirs me reviennent toujours en tête.

Je parcours la rue de Champlain jusqu'à Saint-Laurent, car c'était les endroits où je me tenais dans ma vingtaine.

Il y a de cela environ 20 ans, il y avait un paquet d'hôtels où on pouvait faire le party, c'est-à-dire fumer du crack, se saouler, faire des clients, y vivre sans payer tout de suite, etc. Mais tous ces hôtels que j'ai bien connus, certains assez beaux, d'autres, bas de gamme, ont disparu. D'ailleurs, on ne peut même plus fumer la cigarette dans les hôtels actuels, alors imaginez si on pourrait y fumer de la drogue... Avant, ces choses ne concernaient personne... maintenant, on se mêle de tout. On nous prend en charge comme des petits enfants, on veut notre sécurité, on veut notre bien... Hypocrisie.

Voici les noms de ces hôtels fameux où s'est déroulé une bonne partie de mon histoire lorsque j'étais à la dérive: le Jolicoeur, sur Ontario; le Kent, sur St-Hubert; le Sept Saisons, sur St-Hubert, un hôtel où j'ai vécu une année complète et suis parti sans payer mon bill de quelques centaines de dollars (le proprio a effacé la dette, faute d'argent); le Pigalle, sur Sainte-Catherine; et le fameux Boléro, sur Sainte-Catherine coin Saint-Laurent, un hôtel de passe qui remontait au moins aux années cinquante.

Tous ces hôtels ont disparu, et un monde aussi.

Parfois, quand je visite les lieux désertés du Village, j'aime me faire croire que je sors d'une prison où j'ai passé une vingtaine d'années, tellement c'est pas reconnaissable...

Alors que j'étais déjà en train de sortir du monde interlope, je sais qu'il y a eu un grand trou au niveau du tourisme, à cause de mauvaises décisions prises par la Ville de Montréal en rapport avec les événements et les festivals. Je sais que cela a occasionné beaucoup de faillites, surtout dans le Village, ça s'est mis à tomber comme des châteaux de cartes. Ajoutez à cela la mort de «Normand», l'ex-policier qui avait La Track, Le Bourbon, Le Drugstore, le Club Sandwich et j'en passe, il avait en fait tout un pan du Village sur le côté sud de la rue Sainte-Catherine dans le Village, et si je parle de son décès, c'est parce que cela a entraîné la faillite de tous ses commerces, et le résultat est qu'aujourd'hui le Village est un village fantôme.

Ajoutez à ce gros morceau, la fermeture du K.O.X, à cause d'un stupide règlement municipal, et vous voyez le portrait. J'ai eu le bonheur de connaître ce bar avant qu'il ne ferme, et croyez-moi, ça en valait vraiment la peine. C'est là que j'ai rencontré un jeune travesti (que j'ai pris au début pour une femme) et que ma vie a changé. J'ai réalisé aujourd'hui à quel point ce travesti m'avait aimé, et d'ailleurs, moi aussi à l'époque j'étais fou amoureux. En fait, les deux on s'aimait énormément, intensément, comme deux jeunes dans la vingtaine, cependant cet amour était empoisonné par le crack. Je me souviens qu'on fumait beaucoup, toutes les nuits, après quelques heures à tapiner, et le lendemain il nous restait un peu d'argent pour s'acheter des cuisses de poulet. Pendant qu'on fumait on devenait comme «de glace» l'un envers l'autre, tellement obsédés par la drogue, et ça me faisait chier, mais j'étais dorénavant accro moi aussi et je devais dealer avec cette situation weird et pas voulue, qui me rendait vraiment triste, car c'était comme si la vie de notre relation s'envolait tranquillement, en fumée... Et je sentais littéralement cette «vie à nous deux», cette connivence, sortir hors de moi à chaque puff de crack, et ça me tuait, ça me faisait mal. Et ironiquement, je me suis retrouvé, avec lui, dans l'impasse de fumer cette drogue pour geler le mal que cette drogue nous faisait.

Ce bar était vraiment le seul endroit où les travestis draguaient librement, tout cela mélangé avec les «vraies» femmes et les hétérosexuel(les), et on pouvait aller aux toilettes autant du côté des hommes que des femmes, j'aimais beaucoup d'ailleurs aller dans la toilette des femmes avec les femmes, tout simplement parce qu'elles étaient belles, sans toujours savoir si on avait affaire à un travelo, et les toilettes étaient grandes, superbement décorées, et «ouvertes»: il n'y avait pas de porte d'entrée. J'aimais beaucoup cette liberté et cette grande tolérance. Tout le monde était gentil dans ce bar, chaque client semblait dans le coup, semblait comprendre où il se trouvait et comment se comporter.

On fumait en gang, la nuit, autour d'une table, vers 4 heures du matin, après avoir fait une razzia de clients. Et je me souviens, le stock était très fort, le plus fort et le meilleur que j'ai jamais vu par rapport à ce que j'ai connu par la suite. Un avocat nous vendait ça chaque nuit dans sa BMW. C'était ça l'«époque».

Les hôtels, les travestis, le crack, les clubs, la vie insouciante.

La menace du sida planait dans l'air, mais comme tout jeune de vingt ans, j'étais trop timide pour forcer les gens à se protéger, ou me protéger moi-même. Je me fiais à mon flair et à ma bonne étoile, et celle-ci m'a très bien servi: je n'ai jamais attrapé aucune maladie, et je ne sais pas encore aujourd'hui, franchement, comment cela fut possible. Je couchais vraiment avec toutes sortes de monde, presque au hasard, tellement ma libido était généreuse et explosive.

Mon histoire a commencé avec l'album Achtung Baby de U2, que j'écoutais quotidiennement alors que j'étais nouvellement en amour avec mon travelo. D'ailleurs, il y a une toune sur cet album qui fait directement allusion à ça, je crois que c'est «Even better than the real thing», mais disons en général que tout l'album pue la drag queen.

Quand j'ai voulu accepter le travesti que j'aimais «en homme», j'ai cru que j'étais gai (on voulait me faire croire que c'était irréversible une fois qu'on avait commencé à coucher avec les hommes), et cela pendant plusieurs années, jusqu'à ce que je rencontre une femme dans un bar une nuit d'hiver, et que je la fourre. Mon retour à la vie hétérosexuelle commençait à s'opérer, et je me suis aperçu que je ne pouvais aimer vraiment qu'une femme. C'est pour ça que ç'avait marché avec mon travesti: c'est parce qu'il était déguisé en femme, avec des manières de femme. Autrement, un homme tout cru avec des muscles, du poil et des formes carrées, ça ne me disait absolument rien: c'était aussi excitant que si j'avais regardé un pan de mur.

J'ai vécu avec ma gang qui me faisait fumer non-stop, parce que l'argent coulait à flots; j'essayais d'en sortir avec mon travesti, mais il en était incapable, et c'est comprenable. Il n'avait pas fini l'école, n'était pas capable d'y retourner (on a essayé), et ne pouvait pas travailler en tant que travesti (il voulait vivre en femme), à part pour faire la rue. Dans cette situation sans issue, il ne restait que la drogue, le fun, le sexe et l'oubli. Notre amour a mangé des volées, au fil du temps. Parce que la prostitution et la drogue, ça finit par te foutre en l'air une relation. Quand ton travesti rentre pas parce qu'elle a un client qui a trop de dope sur lui, ça te fait chier en sacrament. Pis tu sais pas ce qui se passe. Ça créé des froids, des trous émotionnels, pis on commence à aller voir ailleurs, et ça devient une guerre mutuelle sur ce point-là, et tranquillement ça se fissure, l'amour se brise, on devient plus dur, plus endurcit, le romantisme se ramasse poké.

Quand j'ai voulu devenir plus indépendant, j'ai commencé à faire des clients moi-même, sur la rue Champlain, et pour des agences d'escortes, ça marchait pas mal mes affaires, car j'étais beau bonhomme, et cela m'a amené éventuellement à vendre de la coke par un contact.

Quand j'ai commencé à vendre, j'ai arrêté progressivement de faire des clients, car j'avais un bon afflux d'argent et de crack.

Dans toute mon histoire, je tiens à dire que je n'ai jamais passé une nuit à dormir dehors: je me suis toujours organisé pour trouver un endroit où dormir, les rares fois où je n'en avais pas.

Quand je circule au centre-ville aujourd'hui et que je me regarde passer dans la glace d'une vitrine de magasin avec mon allure vive et allumée, je constate immédiatement ma différence d'avec tous les junkies crottés qui traînent dans les rues: je ne suis pas de cette race-là.

Il y a deux types de personnes dans les consommateurs: ceux qui en consommant se dégradent et dégénèrent au fil du temps, parfois très rapidement, et les autres, ceux qui restent pareils, peu importe ce qu'ils font, ils gardent toujours un «maintien». Par exemple, même lorsque j'étais à fond dans la drogue, je veillais toujours à avoir des fringues neuves et propres, je veillais à ma propreté physique, à ma sécurité, je veillais à ma santé et à ma forme mentales. Il y a peut-être aussi en partie une question de chance là-dedans, car si j'étais tombé malade tôt, j'aurais peut-être dégénéré comme certains, mais pour ceux-ci, je dois dire aussi, qu'on ne sait pas s'ils sont tombés malades après ou avant leur descente, ou même, s'ils sont vraiment malades, parce qu'ils en ont l'air.

D'après moi, c'est cela qui fait en partie la différence entre les individus: certains ne se respectent pas assez et se détruisent trop. Moi j'ai toujours veillé à me garder un fond d'énergie vitale, et quand je n'étais plus capable, je partais tout simplement. Je me sauvais, même si je le regrettais par la suite. Je m'enfermais de force pour ne pas aller rejoindre le champ de bataille de la drogue. Ça ne durait jamais vraiment longtemps, mais ça me laissait le temps de récupérer.

Beaucoup des personnes que j'ai connues sont devenues itinérantes, ont été atteintes du sida, se sont suicidées. Moi-même j'ai tenté plusieurs fois d'en finir.

J'ai passé plusieurs fois près de la mort, mais incapable de prendre une solution définitive (genre me pitcher en bas d'un immeuble), j'ai choisi de mener une vie suicidaire.

Je vivais chaque jour comme le dernier... Ce fut une époque marquante de ma vie.

Aussi, quand j'aimais, c'était à corps perdu évidemment. Tout était sans limites.

Quand je me souviens de cette époque, je n'ai étrangement que de beaux souvenirs...

Je regarde le monde aujourd'hui désolé que j'ai connu, et je me dis que les choses ont bien changé...

Avant, on pouvait se promener sur certaines rues, ou des petits chemins entre les immeubles dans Centre-Sud, et trouver un vendeur de crack avec sa cohorte de clients. D'ailleurs, on avait qu'à suivre de loin de par les rues quelques fuckés pour finir par trouver le vendeur. C'était le bon temps. Aujourd'hui, il n'y a plus rien de tout cela. Les fuckés sont bien en vue sur la rue Sainte-Catherine, ils sont tous à moitié morts, et ils ne vont nulle part.

La police a fait du trop bon boulot. En fait, avec les nouveaux règlements municipaux très coercitifs, les prostituées ne peuvent plus circuler sur la rue dans un quadrilatère déterminé une fois prise (sinon, elle s'en va immédiatement en prison) et les vendeurs de came se sont tous fait coincer comme des rats. Plusieurs points de vente de drogue qui existaient depuis longtemps se sont retrouvés «brûlés» sans possibilité de retour.

La conséquence, selon moi, fut une détérioration de la qualité de la drogue. Les gangs bien structurés décimés, la prise en main de ce marché par les gangs de rue anarchiques a définitivement amené de la mauvaise came sur le marché. J'ai refait le test quelques fois au fil du temps il y a quelques années et je peux confirmer que la drogue est aujourd'hui très mauvaise à Montréal. C'est peut-être une des raisons qui expliquent pourquoi les junkies du centre-ville sont si maganés, et si rapidement. La came qu'ils consomment contient peut-être 10% de cocaïne ou d'héroïne, le reste étant des produits chimiques quelconques plus ou moins dangereux. Ce qui fait qu'ils doivent en acheter plus pour se satisfaire, doivent donc s'appauvrir, et que leur santé se dégrade rapidement à cause de la grande quantité de produits de coupe inconnus. Les junkies d'aujourd'hui sont très miséreux, parce qu'ils sont incapables d'avoir satisfaction, qu'ils sont très pauvres, très malades, et se retrouvent souvent en prison, ce qui aggrave leur dégradation.

Avant on trouvait de la drogue dans les bars, dans les hôtels même... Aujourd'hui, tous ces endroits de vente de bonheur artificiel ont été bustés, et rebustés... Résultat: le trafic étant de plus en plus difficile, risqué et moins payant, et la drogue étant de qualité douteuse, puisque le peu de coke qui réussit à rentrer à cause de la répression policière doit être coupé à 90%, les consommateurs se tournent vers les médicaments de prescription, qui eux, au moins, ont le mérite d'être contrôlés et donc purs.

Par contre, ces médicaments sont des opiacés très puissants, et qui maganent donc beaucoup. D'où le fait qu'on ne sort pas du problème: les junkies sont réduits à l'état de zombies ou de loques humaines et sont à jamais incapables d'avoir aucun «maintien».

Pour ma part, je n'ai jamais été attiré par les opiacés ou tout ce qui endort, et je n'ai donc jamais consommé d'héroïne et je ne me suis jamais piqué non plus avec quoi que ce soit. Je n'en avais pas besoin, le crack fumé était apparemment aussi fort qu'un shoot.

Dans le fond, quand je me compare avec la situation d'aujourd'hui, je me suis beaucoup lamenté sur mon passé, mais je me dis que je suis chanceux d'avoir vécu mon trip à cette époque.

C'était le bon temps, en effet...

Même si j'en ai braillé une crisse de shot...


 
Un des vidéos que j'aimais écouter souvent quand j'étais à l'hôtel Sept Saisons...