Pages

«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

samedi 24 septembre 2011

On fait son possible dans l'existence..

Ma chatte adorait le livre Minima Moralia de Adorno..
J'ai choisi de parler de ça parce que ma chatte est morte hier soir.. Elle s'était fait opérer il y a un mois à cause de ses dents abîmées.. je crois que l'anesthésie et les antibiotiques lui ont trop usé les reins déjà passablement affaiblis, ils ont fini par lâcher un mois plus tard.. Elle avait 18 ans.. Depuis quelque temps, elle commençait à faire ses besoins un peu partout, et elle avait des drôles de comportements, comme vouloir aller dormir sous l'évier de la cuisine.. Elle donnait ainsi des signes qu'elle allait partir bientôt.. Son départ a fait mal, comme les autres cette année, celui de mon père, celui de mon grand-père.. Nous n'avons jamais le temps de nous préparer à un deuil, contrairement à ce qu'on pense qu'il va se passer habituellement.. Nous-mêmes nous ne pouvons pas nous imaginer dans quelles conditions nous allons finir.. Affalé dans un coin, seul, au dixième étage d'un hôpital quelconque.. C'est terriblement angoissant.. et ça me tue.. La réalité est toxique.. Bref, je ne me portais déjà pas très bien, et je le suis encore moins après ces tristes événements..

Je me sens malade, je me sens mourant.. J'ai perdu quelque chose dans la vie.. je ne sais pas quoi.. Ma bonne étoile, ma direction, un but, un objectif, le plaisir de vivre, la santé, la passion dans une activité quelconque: oui, probablement tout ça en même temps..

J'ai l'impression que ma vie est quelque chose qui n'aboutit pas.. et c'est probablement l'impression que je vais avoir jusqu'à la fin de mes jours.. Je n'arrive pas à accomplir rien de ce que je m'étais promis.. Pourquoi? -Parce que je n'y crois plus.. Je n'ai plus la force d'y croire non plus.. Par exemple: je ne crois plus à l’enseignement, domaine dans lequel je voulais aller.. J'étais «fait» pour l'enseignement, mais je n'y crois plus, et me voilà pris dans une impasse.. Pris pour faire un travail «en attendant» qui se prolongera indéfiniment..

Je sens que je n'ai plus de temps, plus d'énergie, la fatigue me rentre dans le corps.. C'est depuis que je suis revenu à Montréal que je me sens de même.. au moins 10 ans plus vieux, sinon 20.. Je suis littéralement sur la «fin».. dans ma tête aussi.. Je me sens comme un vieillard..

C'est incroyable comment tout défile vite: on arrive dans la vie avec ses hormones et ses prétentions et ses rêves et tout un paquet d'exigences et on jouit de tout en conquérant sauvage, puis, du jour au lendemain, on se retrouve sans désir de rien, malade, fatigué, mourant presque.. On dégonfle d'un coup, de façon ingrate pour tous nos beaux efforts de «reproduction» de l'Espèce, dont la Nature, semble-t-il, n'a rien à foutre.. On passe de jeune à vieux et à «fini» d'une claque..

Lorsque je marche sur le trottoir tout en lisant, j'observe les gens, les jeunes, les moins jeunes, ils fument, ils mangent mal, ils vivent mal, ils sont imbéciles..

Je me dis qu'ils ne savent pas ce qui les attend pour toutes leurs conneries.. Ils n'en sont pas conscients.. Ils se croient pour toujours «invincibles».. Hé crisse.. La débarque s'en vient.. Les désillusions te rentrent dans le front à proportion des plaisirs «volés» à l'existence.. L'hédoniste se retrouve assez vite dans une osti de mauvaise passe.. parce que c'est pas vrai que le plaisir est «bon» en soi.. Que les abonnés de l'optimisme et du «bonheur sur commande» à la Mecdo aillent se faire foutre..

Nous ne sommes pas sur terre pour nous faire du «fun».. parce que le «fun» coûte cher en sacrament en terme de «santé» soit physique, soit mentale.. Tous les plaisirs sont invariablement comme des «cadeaux empoisonnés».. Mais vivre «sans plaisir», est inconcevable pour nous modernes.. alors nous n'avons pas le choix de gober le poison, de «mordre» dans la vie, qui est notre fardeau de souffrances, notre cortège de maladies, notre mort prochaine.. Si le mental n'est pas «atteint», le physique finit par lui rentrer dedans quand même, comme un truck: c'est le corps et la douleur qui ont le dernier mot.. qui «ratatinent» l'esprit, qui est sans aucun pouvoir réel.. qui est bien faible et incapable finalement, contrairement à ce qu'on croit.. Les «Jedi» sont à l'hosto..

Notre système se dégrade.. nos organes internes de filtration, de nettoyage, de digestion, d'élimination fonctionnent moins bien.. Nous accumulons la merde assez tôt.. Et viennent l'embonpoint, le surpoids, la fatigue, les douleurs.. Le code génétique se dégrade avec tous les produits chimiques que nous mangeons dans notre bouffe quotidienne.. Cela entraîne des dysfonctions qui décrissent la machine toujours plus au fur et à mesure.. Quelle en est la conséquence après un certain temps? -La volonté de vivre est vaincue: nous acceptons tacitement de mourir un jour.. parce que nous souffrons.. et ce jour approche à grands pas, avant même que nous ayons eu le temps de vraiment profiter de la vie.. En réalité, nous avions vécu tout le long sans le savoir à grand renfort de crédit.. et l'heure sur notre montre retardait sans cesse..

Je vais à l'épicerie acheter du café bio et du lait bio.. je regarde la commande du gars avant moi, il a beaucoup de stock, je me dis que ça va lui coûter très cher, ben non: du pain blanc, des jus congelés, du coke, des plats congelés, de la pizza, des sauces préfaites, des sucreries, des chips, de la viande hachée.. 85$.. Je n'ai vu rien de bon dans sa commande, rien de «vivant».. Pas de fruits, pas de légumes, rien de naturel, rien de bio non plus.. Moi ma commande, pour deux items «bio», presque 12$.. Lui il avait quatre gros sacs ben plein, mais de «marde».. Il n'aura pas faim, mais c'est sûr qu'il va avoir des petits problèmes tantôt, et ça prendra pas de temps.. Déjà que par sa shape, je voyais qu'il ne faisait aucun exercice.. Le genre «geek» qui reste écrasé devant son ordi toute la journée..

Mais ceci n'était pas un cas spécial: c'est plutôt une commande typique qu'à peu près tout le monde fait: on cherche à économiser le plus d'argent possible, tout en n'étant pas conscient en général de ce qu'on mange.. Dans presque tous les paniers d'épiceries familiaux que j'analyse au Maxi ou ailleurs, je retrouve du coke, des chips, des plats surgelés, du pain blanc industriel.. Les gens mangent de la marde tant qu'ils sont capables, fument et boivent et ingurgitent dix cafés imbibés de pesticides par jour, mangent des beignes pour déjeuner, jusqu'à ce que le système lâche, et après on embarque sur les médicaments..

C'est ça notre vie..

Une vie de marde.. Des boulots minables, qu'on fait pour l'argent, pour survivre, sans trop y croire.. sans croire à rien, en fait.. Pas de vie, pas de temps, pas d'avenir.. des plaisirs «brefs» achetés au prix fort et entraînant notre futur martyr..

Je déteste tout..

Je vais juste jouer de la guitare, en attendant que ça passe..

Ce que je veux exprimer est au-delà des mots.. et j'ai comme un trop-plein là disons..

mercredi 21 septembre 2011

12. L'incompréhension mutuelle..

Ce matin j'ai décidé de parler de l'incompréhension mutuelle, parce que c'est un sujet qui me bogue depuis longtemps..

Il arrive souvent des moments, effectivement, où on dirait qu'il n'y a rien à faire pour se comprendre.. Une personne accuse l'autre de ne pas être capable de comprendre, et l'autre fait de même, en essayant de faire prévaloir son point de vue, et ensuite une bataille des égos prend forme à l'horizon, et là on rentre dans le muscle et l'émotionnel.. Si une dit que l'autre est trop conne ou pas assez intelligente pour comprendre, la communication est alors bloquée et on ne fait que se rendre plus vite à l'affrontement..

Les frictions de ce genre arrivent partout, tous les jours, mais peu se rendent aux altercations physiques.. Il en résulte quand même cependant de la frustration, de l'incompréhension persistante, et un blocage sur ses positions nous empêchant d'explorer le point de vue de l'autre (au cas où nous n'aurions pas raison, pour une fois)..

Ce genre de problème peut aussi bien arriver entre deux êtres humains qu'entre une personne et un animal.. Par exemple: ma chatte miaule toute la nuit, je lui donne plus de bouffe, je change sa litière.. À 4 heures du mat, ça recommence.. là chu en beau crisse.. Je change sa bouffe, son eau, lui fait des petites caresses, lui parle affectueusement et la cajole.. 5 heures du mat, même problème, je l'arrose avec le pouche-pouche, elle se pousse quelques minutes mais revient à la charge et ainsi de suite jusqu'à ce que mon réveil-matin se mette à sonner..

Je me dis que c'est peut-être parce qu'elle voulait que j'ouvre la porte de la cuisine pour qu'elle puisse prendre l'air un peu.. Mais non, c'est pas ça qu'elle veut.. Effectivement, elle n'a rien mangé de ce que je lui ai donné, neuf pas neuf, bon pas bon.. Pourquoi? -Parce que j'ai fait du poulet la veille.. ELLE VEUT DU POULET CÂLISSE!! J'ai fait le test ce matin et je l'ai prouvé par a + b..

Évidemment, du point de vue de la chatte, j'ai l'air con.. Mais de mon point de vue à moi, elle est juste fatigante au possible.. et son miaulage continuel passe à mes yeux pour du caprice (car elle est effectivement très capricieuse).. J'essaie de la redresser, mais c'est peine perdue.. Elle est gâtée pourrie..

Sur quoi le conflit est-il basé? -Sur son GOÛT pour le poulet de table.. Or, le vétérinaire m'a recommandé de ne pas lui en donner, car ça la rend malade à la longue.. Et un «goût» c'est pas quelque chose de «cognitif» ça..

Donc, on a ici entre l'homme et l'animal le schéma d'un conflit typique entre deux personnes: cette personne aime ça de même, l'autre aime ça comme ça.. Une aime son café noir, l'autre avec deux crèmes deux sucres, pis l'autre avec juste du sucre, et une autre encore avec juste du lait.. Qui a raison? -Personne..

Ces différences de goût sont basées sur des différences de sensibilité.. et ces différences de sensibilité sont, selon moi, très changeantes.. Par exemple: la plupart du temps je bois mon café noir, et alors je ne comprends pas ceux qui boivent leur café avec 6 crèmes 6 sucres.. Mais il y a d'autres jours, et ils sont plus rares, où j'ai envie de mettre beaucoup de crème et de sucre dans mon café, ce qui me donne souvent un mal de ventre, et alors ce sont ceux qui le boivent noir qui ne me comprennent pas.. Dans ce cas particulier, je ne serai même pas  compris par mes pairs habituels, c'est-à-dire le club de «ceux qui boivent leur café noir»..

Comment s'en sortir? Eh bien, il n'y a aucune solution facile ni recette.. Par exemple: des gens croient que parce qu'un tel a dit il y a plusieurs centaines d'années que si tu vol, on te coupe la main, on doit alors te couper la main pour vrai, ou bien, d'autres croient, par un autre qui a dit il y a plusieurs centaines d'années que si on te frappe sur la joue, tu dois tendre l'autre joue, et croient que nous devons le faire effectivement, ce à quoi les Juifs se sont opposés, et c'est facile à comprendre après ce que les nazis leur ont fait..

Dans ce petit paragraphe, ça ne paraît pas, mais nous avons toute l'opposition explosive entre Juifs, musulmans et catholiques, quand ceux-ci ne s'entretuent pas au sein de la même croyance, mais d'une variante différente..

Or, comment résoudre ces incompatibilités totales de croyances?

À mon avis, la raison des conflits, au niveau de la croyance de type religieux, ne relève pas des différences dans les croyances mêmes, mais des différences qu'elles engendrent.. Fondamentalement, les êtres humains veulent se différencier des autres.. Dans ce cas, la recherche de l'unité et de l'accord est complètement futile.. à moins qu'elle permette de se différencier davantage.. ce qui est peu probable.. puisque les différences de croyances doivent être «radicales», c'est-à-dire «incompatibles», pour être opérantes..

Il y a le parti de ceux qui croient à l'efficacité du pardon et de la pitié, et qui a confiance dans la réhabilitation de celui qui agit mal, et il y a celui de ceux qui croient qu'il est carrément criminel de laisser des gens continuer à torturer d'autres gens sans intervenir.. Quel parti choisissez-vous? -Or, vous avez ici la différence de pensée entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament.. entre les Juifs et les catholiques..

En réalité, les deux pensées sont conciliables, mais pas dans la même situation.. Je peux intervenir rapidement dans une situation d'injustice, et je peux aussi, en même temps, croire ou espérer qu'une personne va éventuellement comprendre son erreur.. il n'y a pas d'incompatibilité à cela.. Par contre, dans la situation où mon enfant est en train de se faire maltraiter par des nazis dans un camp de concentration, il serait effectivement criminel de penser un instant que ceux-ci vont comprendre tout d'un coup et arrêter leurs méfaits, et donc de ne rien faire.. Dans cette situation, je devrais effectivement agir avec force et sans aucune pitié.. voire être cruel.. D'autre part, une personne me bouscule dans le métro: est-ce qu'avec cette même maxime je dois lui casser la gueule avant qu'elle «ambitionne»? -Cela n'aurait aucun sens.. Il y aurait plus de 1000 batailles par jour dans le métro.. et bientôt, dans la ville au complet, ce serait l'émeute..

Voyez-vous, habituellement, la personne va s'excuser, ou même les deux personnes vont s'excuser: aucune des deux ne croit qu'il y avait d'intention méchante derrière la bousculade, et le «pardon» est facile.. Le fondement des lois, c'est la politesse et le respect, ainsi que la confiance.. Quand cela fout le camp, les lois n'y peuvent rien pour arrêter la rage, ou même, la guerre: c'est le free-for-all..

Si dans la situation d'une personne qui me bouscule dans le métro, je lui fous un coup en retour, il est possible que ça dégénère.. parce que la personne, dans la plupart des cas, n'a pas fait «exprès».. elle se croit donc «lésée» par l'incompréhension de la partie adverse et a envie de répliquer pour se dédommager.. Et ensuite c'est l'escalade d'insultes et de coups.. et le sang gicle à qui mieux mieux.. on veut du sang..

On voit donc que les maximes rentrent en conflit selon les situations, tout en restant valables individuellement..

Mais ceci n'est qu'un aspect des conflits résultant des différences de croyances.. il y a aussi toutes les autres formes d'incompréhension venant de la pensée ou de la sensibilité..

Et ce n'est pas demain la veille qu'on va régler ça..

Mais pour l'instant, on peut-tu juste se calmer et prendre un bon café entre deux rounds?

Ma chatte dort profondément, repue de poulet sur mon fauteuil..

mardi 20 septembre 2011

À 20 ans, on fait n'importe quoi..

Quand je vois des vidéos amateurs sur webcam de jeunes femmes dans la vingtaine sur des sites de porn en train de baiser avec leur chum ou avec un inconnu, ou les deux, ou sucer des dildos et se les rentrer en quelque part ou faire une danse sexy pour exhiber fièrement leurs beaux atouts, je me dis qu'il leur manque une tite gêne.. En revanche, je me souviens qu'à cet âge-là, je faisais aussi n'importe quoi.. Pourquoi? -Parce que je m'en crissais tout simplement.. Je voulais juste me faire du fun!

À 20 ans, on aime s'exposer, faire un show, se frencher les amygdales en public, se pogner le cul mutuellement, ou tâter la craque de sa blonde devant tout le monde, question de provoquer et de dire au reste des hommes de la terre: «Cette chatte-là est à moé! Pas touche!». Ma blonde aussi me tapait les fesses devant les autres femmes, question de dire: «Ce cul-là, yé à moé!» J'adorais lorsqu'elle provoquait les autres femmes.. On aimait se posséder l'un l'autre, se jurer fidélité, alors qu'il n'en était rien: on était ben trop hot pour ça! on baisait à qui mieux mieux à gauche pis à droite! Pas grave! On s'aimait pareil! Pis on braillait quand même quand on se trompait!.. puis on recommençait!.. Trouvez l'erreur!! On était juste fous câlisse.. ou plutôt, on avait 20 ans..

Il m'est arrivé de faire l'amour en plein jour au beau milieu du parc Lafontaine en dissimulant le mieux que je pouvais nos ébats à l'aide de la couverture que nous avions utilisée pour faire notre pique-nique.. Je l'ai aussi fait sur la banquette d'un restaurant sur Sainte-Catherine.. Et au Thursday's sur Crescent, je me souviens d'avoir passé le doigt à ma blonde sous la table pendant que nous mangions.. Elle était cochonne en crisse, et moi itou!

Et voilà! C'était le bon temps.. Un temps d'insouciance, d'irresponsabilité.. On perdait sa job.. c'était pas grave!.. On allait faire un petit tour en dedans.. c'était pas grave!.. On n'avait presque rien à perdre!.. On utilisait rarement le condom pour baiser avec une fille.. ou un gars.. on s'en foutait un peu, même pour une première date.. on se croyait invincibles, protégés par une super bonne étoile.. on faisait confiance.. on était naïfs.. on était gelés aussi.. C'est ainsi qu'il est possible que j'ai quelques enfants de par le monde sans le savoir..

Puis on a vieilli.. on a essuyé des revers qui ont fait très mal.. Quelques-uns se sont mis à tomber du sida, on a commencé à y croire.. à pogner le vertige.. et à se faire tester à tout bout de champ.. On a senti aussi que notre charme palissait.. que ce n'était plus le temps de faire les fous.. Un beau matin, on a eu une couple de rides dans le front.. On s'est mis à être sérieux.. à avoir une conscience morale.. des doutes.. des scrupules.. On a voulu se caser.. se trouver un job sérieux pour préparer la «finale», c'est-à-dire la retraite..

On se dit qu'on a eu une crisse de chance de pas être mort..

Mais on s'enferme en quelque sorte dans une trappe par peur et pour sa sécurité, hanté par des relents de vertiges devant l'abîme, et on se prépare en quelque sorte une belle petite cage en or, un petit tombeau pour soi-même..

La fatigue nous accule, puis viens un jour où on sait que c'est la fin de quelque chose..

C'est la fin du risque, de l'aventure, de la «liberté», de cette belle folie qu'on appelle la jeunesse.. mais en même temps, et quel soulagement! c'est la fin de la souffrance sauvage.. qu'on a troqué pour celle qui se soigne avec des tylenols..

Que dire de tout ça?.. Quoi en penser surtout?..

Je ne sais pas.. vraiment..

Des fois, j'attends vainement que ça revienne.. mais des fois je me dis aussi que je ne le souhaite pas vraiment.. J'aime mieux garder ça dans mes souvenirs.. Au pire, je le sortirais en musique.. un moment donné.. si l'inspiration réussit à me revenir un jour..

Mes goûts, mes plaisirs et mes intérêts ont changé.. Je ne suis tout simplement plus la même personne.. c'est-à-dire que je suis un «homme» maintenant.. J'ai appris de tout ça, j'ai fait mes folies comme je devais le faire et c'est bien.. Et j'ai réussi à m'en sortir sans trop d'égratignures..

Quoi d'autre?.. -Rien..

Je vais m'asseoir dans mon fauteuil et lire un bon livre..

samedi 17 septembre 2011

De l'importance de tout lire en même temps pour éviter la rigidité cadavérique du mental..

Je me suis dernièrement acheté une sixième bibliothèque pour pouvoir enfin placer les livres que j'avais accumulés sur mon bureau.. Cela m'a permis de prendre les différents livres que j'avais commencés mais placés dans différentes bibliothèques et de voir combien j'en avais commencé en même temps.. Je me disais peut-être 20, peut-être 30, mais non.. J'en ai juste commencé 42 en même temps! Réel problème de gestion!

Il y a des livres que je m'étais promis de lire d'un bout à l'autre, dont il ne me restait que 100 pages, et parfois même 3 pages! comme pour L'insoutenable légèreté de l'être de Kundera que j'ai décidé, on dirait, de ne jamais finir, par pure beauté poétique de la chose.. Ces livres, je les oublie complètement, tant que j'ai du nouveau à me mettre sous la dent..

La raison de tout ce bordel dans mes lectures, et peut-être aussi, dans ma tête, c'est que je suis hédoniste, antiroutine et que je fais tout ça en dilettante.. L'autre raison, c'est que j'ai décidé systématiquement à un certain moment de commencer plusieurs livres en même temps.. Pourquoi? -Parce que je me disais que s'il n'y pas de problème à zapper entre les postes de télévision, ce qui est toujours plaisant, pourquoi y en aurait-il à zapper entre les livres? Tout d'abord, si je lis chaque livre d'un bout à l'autre sans en explorer d'autres ne serait-ce qu'un petit peu, il est possible que je n'ai jamais le temps, de ma vie, de les lire au complet.. Je me dis donc qu'il vaut mieux que je puisse en lire un peu de chacun, que pas du tout..

Cette façon de faire me permet en même temps d'avoir une vision plus globale des choses.. tout en étant «partielle».. Par exemple, je peux comparer les différents livres d'une même catégorie.. mettons l'histoire, ou plus précisément, l'histoire de Rome..

Je trouve que cette façon de faire, même si elle semble un peu éparpillée, est plus plaisante, moins rigide pour le mental, plus instructive pour moi-même, puisque je ne perds pas mon temps à continuer à lire des livres qui suscitent moins mon intérêt momentanément, pour diverses raisons, et dont alors je ne retiendrai rien..

Bien entendu, je recherche une connaissance «encyclopédique», même si cela peut faire prétentieux aujourd'hui, et il est évident que, pour ce faire, avant de lire certains livres, je dois en lire d'autres.. Par exemple, à cet égard, il faut lire la Critique de la raison pure de Kant avant d'en lire un paquet d'autres que nous comprendrons beaucoup moins bien sans cette lecture..

En général, les livres plus anciens sont à lire avant les livres plus récents.. De même, Platon et Aristote devraient être lu au complet avant même toute lecture en philosophie.. ce qu'on ne fait que rarement, par mépris de l'ancien et par fascination pour le «nouveau», qui n'est souvent que de l'ancien déguisé ou remis au goût du jour..

Par hasard, en lisant Thucydide, je suis tombé sur une note qui m'a fait découvrir une parole d'Hésiode que j'attribuais, par erreur, à Aristote, et depuis plusieurs années.. mais cette fausse attribution, c'est à cause d'un livre de citations que je l'ai faite: dans ce livre, on attribuait, par erreur, une parole d'Hésiode à Aristote.. D'où l'importance de fouiller par soi-même et d'aller aux sources!!

jeudi 15 septembre 2011

Le snobisme des intellos ratés..

J'étais au Renaud-Bray l'autre jour pour aller chercher La guerre du Péloponnèse de Thucydide en format poche.. Pourquoi je voulais ce livre? -Parce que les Helléniques de Xénophon que je venais d'acheter aux éditions Les Belles Lettres est la suite de l'ouvrage de Thucydide, ce dernier étant mort avant d'avoir pu le terminer..

Puisqu'il était tard, j'en ai profité pour jaser un peu avec la commis qui m'avait réservé mon livre, il n'y avait presque personne dans le magasin.. Je lui ai parlé de ma passion nouvelle pour ces livres d'histoire, surtout ceux édités chez Belles Lettres, ce qui sembla pour elle un peu superficiel.. Pourquoi donc? -Parce que ces livres, selon elle, c'est juste pour flasher dans la bibliothèque (puisqu'ils sont chers), et qu'en réalité, c'est le «contenu» qui est important, pas l'édition.. Si elle a tant insisté sur le «contenu», c'est parce qu'elle sentait le besoin en même temps de défendre le livre que j'étais sur le point d'acheter, mais dont je me plaignais que l'édition n'était pas de qualité, que le papier était acide et que ça dépérissait rapidement..

Mais je sentais aussi que derrière ce plaidoyer il y avait des raisons «personnelles», ou plutôt, de façon inconsciente, «matérielles»: visiblement, étant jeune commis style granola chez Renaud-Bray, elle n'avait pas d'argent.. ne pouvant donc se permettre du luxe, elle chiait dessus en méprisant la «forme» au profit du «contenu».. Je me disais que si elle venait à avoir les moyens un jour, elle aussi se permettrait quelques «folies», surtout pour des éditions de qualité comme La Pléiade ou Les Belles Lettres qui offre sur un côté le texte original grec ou latin..

Nous aimons tous le luxe et nous avons tous soifs, au fond, de prestige, même si en surface nous le nions hypocritement.. Cela dit, j'achète tout de même ces volumes dispendieux surtout en usagé, quand ça passe.. parce que moi non plus je ne suis pas riche.. mais ça ne me fait pas chier sur la «forme» pour autant..

La preuve que nous recherchons tous le «prestige», d'une façon ou d'une autre, la voici, mais je ne l'avais pas perçue de prime abord, et c'est chez cette commis que je la trouvai le plus accusée: elle me confia qu'elle aimait beaucoup les livres «anciens».. que «plus c'est vieux et poussiéreux, plus elle tripe».. Mais qu'est-ce donc cela, si ce n'est de la «forme»?

De mon côté, je fis remarquer que cela contenait trop d'acariens pour moi, et que ça me rendait malade à cause de la poussière que ça produisait.. Mais elle s'entêtait à défendre la préciosité de ses «vieux» livres.. Elle ne se rendait pas compte qu'elle aussi, finalement, aimait la «forme», mais d'une façon détournée, inconsciente, comme la plupart de ces étudiants dans les universités qui ont des prétentions intellectuelles, mais qui se contredisent allègrement toutes les deux minutes..

Il faut dire aussi en passant que cette manie détestable de mépriser la «forme» au seul profit du «contenu», vient avec la haine des riches, l'accoutrement débraillé style granola, un régime de vie spécifique genre «végétarien», des positions étranges sur des choses banales comme «il faut aimer les poules et non les tuer», et bien sûr, puisqu'on méprise tant la «forme», une certaine laideur corporelle, un manque d'hygiène, de style, l'aveuglement esthétique (c'est l'«intérieur» qui est important..) pour la personne comme pour l'architecture ou les objets en général, la dévalorisation du corps, donc pas d'exercice physique et un mépris du sport et de ceux qui en font, et surtout, la moins évidente, une incapacité à écrire sans faire une faute d'orthographe par mot..

Tout cela découle d'une «pauvreté» initiale, que ceux-ci cherchent à justifier par la suite en rationalisant leur «impasse» économique avec toutes ces idées déformées.. J'en sais quelque chose, j'ai été longtemps du lot..

Bonjour Marx... sortez le patchouli..

Sti qu'on fait dur..

mercredi 14 septembre 2011

Je vais remettre ma vie sur la track..

C'est aujourd'hui que j'arrête l'alcool, la drogue et tout ce qui me détruit.. J'ai fait l'expérience pendant quelques mois de ne plus aller au gym, de ne plus m'entraîner, et j'ai fini par constater que cette idée était très mauvaise.. Les résultats sont là depuis un mois environ: palpitations, arythmie, gain de poids, passes de fatigues excessives, sensations de haute ou basse pression, découragement, faiblesse, démotivation, tristesse générale, estime de moi complètement décalissée..

Je me disais depuis quelques mois que j'allais arrêter tout ça pour mes 40 ans.. mes mauvaises habitudes.. mais je n'avais pas prévu que je me découragerais, pour diverses raisons, d'aller au gym pendant si longtemps.. Conséquence: je suis rouillé un peu, et surtout, ce qui me désole le plus, faut pas trop que je regarde dans le miroir et plutôt que je m'imagine beef comme avant, ma masse musculaire a fondu et je n'ai plus de formes.. je me fais penser aux intellos mollasses que j'ai toujours détestés.. je ne veux pour rien au monde devenir un de ceux-là.. oh que non!!

J'ai pas fait tous ces efforts, ces entraînements et ces régimes pour me rendre là! Mon but en n'allant plus au gym, à part d'être découragé, était de manger moins, faire fondre ma masse musculaire pour faire diminuer mon poids, et surtout, ne plus faire d'exercices musculaires, ce qui, je croyais, étaient la cause de toutes mes douleurs au dos et au cou.. Mais après quelques mois d'entraînement plus qu'intermittent et la fonte de mes muscles, j'ai toujours mal au dos, parce que c'est pas ça le problème, même si je sais qu'il faut que je fasse attention en m'entraînant, mais c'est mon lit et mes oreillers qui sont finis et qui me cassent en quatre.. Et ça, je l'ai découvert en allant en vacances et en dormant dans des lits d'hôtel: toutes mes douleurs ont disparu dès le premier soir..

La leçon que j'ai retirée de cette expérience pour le moins autodestructrice, c'est que je ne peux pas perdre de poids en arrêtant de m'entrainer, mais que c'est plutôt le contraire.. Que la perte de mes formes physiques me décourage au plus haut point.. Que la perte de ma forme physique a un impact sur ma forme mentale.. Bref, en plus d'avoir le corps flasque, j'ai l'esprit complètement dévasté et je deviens une sorte de B.S. mental.. Très vite, tout mon courage, ma ténacité et ma joie de vivre s'en vont à la poubelle.. Tout fout le camp, et après, c'est la descente rapide: alcool, drogue, malbouffe, dépenses compulsives, nervosité, tensions, fatigues, moral à terre, problèmes au travail, visites chez le médecin, médicaments.. bref, un cercle vicieux duquel on ne sort que difficilement..

Je suis bien heureux aujourd'hui, après mon retour au gym après plusieurs semaines qui m'ont paru une éternité, de pouvoir espérer à nouveau voir la lumière au bout du tunnel dans lequel je me suis enfermé..

Dorénavant je sais que: gym et activité physique sont absolument essentiels.. En vieillissant, les organes internes sont moins performants, ce qui cause des accumulations de graisses et de toxines plus facilement.. Il est donc impératif de faire de l'exercice pour faire sortir cette merde.. Aussi, la forme musculaire aide à une meilleure tenue du corps et le cardio à une meilleure santé du système cardiovasculaire..

Je vais remettre ma vie sur la track.. je me fais cette promesse.. je le veux.. j'en suis capable..

samedi 10 septembre 2011

J'en ai terminé d'être une victime expiatoire de l'idiotie de cette humanité..

Je me sens comme dans un no man's land mental.. C'est quoi ça? -Un trou perdu dans ma tête.. Je n'ai aucun plaisir à rien faire.. Aucun plaisir à travailler, aucun plaisir à jouer de la guitare, aucun plaisir à lire, aucun plaisir à écrire, aucun plaisir durant mes petits moments de libertés.. On dirait que tout m'est égal.. qu'il n'y a aucun sens à rien..

Je regardais l'écureuil mort écrasé devant chez moi hier matin avec le sang encore dégoulinant de la bouche et ça me faisait chier de voir qu'il y a des estis de crétins insensibles pour faire ça, mais en même temps, que je me disais, on va tous finir par y passer.. Mourir tout de suite ou plus tard n'a pas plus de sens.. Ce que je veux dire, c'est que pour une personne mourir à 80 ans n'a pas plus de sens que mourir à 20 par exemple.. On pense tous un jour qu'on va avoir vécu sa vie et qu'on sera prêt à partir comme dans les films, mais ça n'arrive jamais ça..

On a tous notre propre petit scénario sur notre mort ou notre retraite.. mais invariablement, on est dans le champ en ce qui concerne la réalité.. On arrive à la retraite avec toutes sortes de maux, ce qui fait qu'on n'en profite pas vraiment, ou on y arrive bien portant et on s'ennuie.. Les mécanismes ne sont pas autres qu'en notre jeune âge.. Comme si on pouvait un jour être satisfaits!

Or, j'en ai connu des vieux, et il continuent, même cancéreux, à chialer et à faire des coups bas même à un âge plus qu'avancé! Ils continuent à surveiller les spéciaux sur les bananes et osent compétitionner pour quoi que ce soit comme si c'était encore des jeunots.. Bref, de l'extérieur, ils se comportent comme s'ils n'avaient rien compris, comme s'ils n'avaient aucunement la sagesse qu'on pourrait leur prêter, et c'est exactement ainsi que nous nous démènerons à leur âge, aussi insensés que nous le sommes en ce moment, alors que nous courrons en tout sens sans raison comme des poules sans tête..

Je constate tout cela, mais en même temps je n'ai même pas la volonté de m'y opposer moi-même.. Toutefois, je ne suis plus dans la compétition, semble-t-il, pour rien.. Je me sens comme mort.. Aboulique.. Je me sens hors-circuit.. de tout..

Je constate à quel point la douleur fait son œuvre afin de nous détacher de la vie.. Lorsque celle-ci me tenaille, à divers endroits dans mon dos et mon cou, c'est tellement brûlant et lancinant que je deviens comme l'esprit engourdi.. je ne suis plus capable de rien faire à part être une boule de souffrance.. J'essaie parfois d'y remédier par l'alcool et les antidouleurs, mais je me retrouve alors l'esprit aussi dévasté, et c'est ainsi que mon projet de connaissance est voué, malgré moi, à l'échec.. Je n'ai pas le temps ni l'argent ni rien pour faire ce que je veux faire.. mon projet grandiose s'il en est..

Et dans mon cas, comme j'ai toujours vécu, c'est tout ou rien, alors à mes yeux, je serai tout ou rien, et ce sera rien pour l'instant.. Mais je ne suis pas en train de dire que je suis découragé, loin de là.. Et pourtant, comment fais-je pour ne pas l'être alors que je sais que je ne mènerai pas mon projet à terme? Eh bien, vu que cette pulsion de connaissance ne me vient pas du dehors mais est en moi-même depuis que je suis tout petit, que ferais-je d'autre?.. je ne peux rien faire d'autre, c'est impossible pour moi.. alors je continue mon chemin..

Hier j'ai échappé un de mes tiroirs de bureau par terre, j'étais en crisse.. Je me suis alors résigné à faire le tri dans les paquets de photos et de papiers.. J'ai alors vu mes anciennes photos de carte de portier, de carte d'assurance-maladie et de carte d'université.. J'étais un beau gars.. mais c'est drôle, je ne m'étais jamais perçu de cette façon sur ces photos jusqu'à aujourd'hui.. Pourquoi me perçois-je différemment? -Probablement parce que je me sens vieux et fini.. Que je vois effectivement le contraste.. Ou que j'arrive à voir tout court? À me voir? À m'estimer moi-même? Car je n'ai jamais eu une forte estime de moi-même, et c'est encore mon problème aujourd'hui.. Mon problème récurrent, mon problème à vie.. qui m'empêchera toujours de prendre la première place.. Or, je ne vois même pas encore aujourd'hui que je suis toujours un beau bonhomme, mais différent, un peu plus vieux, et que je suis vraiment un intellectuel, alors que je ne me suis jamais considéré comme tel.. même plutôt, des fois, comme un manuel, alors que je n'ai jamais eu aucune crisse d'envie de rien faire de mes mains..

Je sais que ce problème me vient par le fait que mes parents ne m'ont jamais approuvé dans mes choix, dans mes goûts, dans mes talents.. Ils voulaient toujours que je sois autre chose.. quelque chose qui n'est pas moi.. comme un bon vendeur, un scientifique, un homme riche.. Ce qui leur importaient avant tout pour moi c'était que je fasse une job payante.. pas de faire ce que j'aime.. Ça, ils s'en câlissaient pour eux-mêmes, alors vous imaginez pour moi.. En plus, mon père avaient dû écourter ses études à ma naissance pour aller travailler et subvenir aux besoins de la nouvelle famille.. Et ce poids a dû reposer, je suppose, sur mes épaules toute ma vie.. Fallait que je paie d'être venu au monde trop tôt.. Aujourd'hui je pense que je ne méritais vraiment pas ce genre de parents-là.. ce que j'appelle, depuis que je me suis sérieusement penché sur leur cas, des parents toxiques..

Je me suis toujours fait rabaisser, relativiser, par toute ma famille.. Au décès de mon père, qui a fait de la chicane parce que je n'ai rien reçu et que tout est allé à ma sœur et à la câlisse de secte de mon père, j'ai décidé de ne plus parler à personne..

Cette maladie du mépris de soi, je me dis que c'est peut-être mes parents qui me l'ont inculqué par leur comportement avec moi, mais en même temps, je me dis que j'y suis aussi pour quelque chose, et que c'est comme dans ma nature, vu mes projets grandioses et mes ambitions démesurées, héroïques, que d'être inévitablement, implacablement, cruellement, voué à l'échec..

Puisque la réussite de mon projet est toujours aussi loin dans le temps, puisqu'il est énorme, complexe, intégral, encyclopédique, conséquemment, je ne suis encore rien dans le temps présent, et je ne serai jamais rien à mes yeux.. car ce ne sera jamais assez.. Bref, mon idéal, par définition, doit toujours être hors de portée.. et sera toujours hors de portée..

Cette maladie de l'idéal, je n'ai jamais réussi, finalement, à m'en débarrasser.. Je m'étais débarrassé de la maladie de la perfection il y a quelques années, mais celle-là, elle est tenace.. Je sais que mon père a vécu toute sa vie avec cette mentalité du sacrifice à l'idéal, à l'autre, à l'humanité.. et que cela le justifiait de ne pas s'occuper d'abord de ceux qui l'entouraient.. Pourquoi donc? -Parce que, par définition, l'autre est toujours «meilleur», plus «valable».. Pour quelle raison l'autre pourrait-il être meilleur que soi-même ou un proche? -Tout simplement parce qu'il est autre, c'est tout! C'est aussi ridicule que cela!

Pour illustrer mon propos, voici un problème d'éthique: « Deux personnes sont en train de se noyer. Une des deux personnes est mon enfant, l'autre est une pure inconnue. Or, je ne peux sauver qu'une seule des deux personnes, qui donc vais-je sauver et pourquoi?»

La réponse évidente est que je vais sauver mon enfant.. mais pourquoi donc? Ma réponse, la voici: parce que lui je le connais au moins, tandis que l'inconnu pourrait être le diable en personne! Bien sûr, il y a aussi les facteurs émotifs, génétiques, etc., qui viennent en premier lieu, mais je n'ai pris que le dernier critère.. le moins fort disons.. mais qui décide quand même en faveur de l'enfant..

Cependant, une personne qui est atteinte de la «maladie de l'idéal» répondra plutôt qu'elle va sauver l'inconnue à la place! Parce que l'autre par définition, l'humanité en général, est toujours meilleur, plus valable, et que le particulier, en l’occurrence «mon enfant», ne vaut rien.. Mon enfant, par définition, ne doit être et n'est, lui aussi, qu'un soldat au service d'un idéal abstrait et malheureusement, illusoire..

On voit bien ici d'emblée que le problème réside dans le fait d'estimer a priori l'autre meilleur ou plus valable qu'un autre mettons.. disons l'enfant.. Mais pourquoi, logiquement, estimerais-je comme «meilleur» quelqu'un d'autre que je ne connais absolument pas plutôt qu'une personne qui m'est proche et que je connais? Selon cette logique absurde, si je ne peux sauver qu'une seule personne dans une situation de noyade, je vais, à tout coup, sauver l'inconnu et laisser périr mon enfant..

Si je me démène tant pour mon projet grandiose au point que je ne vois rien à l’entour, c'est parce que je le fais pour que d'autres en profitent un jour.. Autrement dit, je suis en train de tout sacrifier, en l’occurrence moi-même et mes proches, à un idéal, aux autres, à l'humanité en général.. Moi-même dans tout cela, je ne suis rien.. et je ne serai jamais rien.. Je ne serai, toute ma vie, qu'au service de.. Je me considère en instrument, en objet, je me réifie.. Je ne suis pas un être humain, mais un objet à mes yeux.. un moyen, pas une fin.. Je dois m'oublier à tout moment, pour les autres.. au fond, des gens que je ne connais pas, et qui ne méritent pas nécessairement une once d'attention de ma part..

C'est ça que je me dis aujourd'hui: pourquoi je me démènerais pour des estis de pas bons? Des personnes mesquines, bas de plafond, qui ne pensent qu'à eux et à l'argent, qui n'ont aucun crisse d'intérêt pour la vérité, l'humanité ou la connaissance?

C'est pour cela que j'ai décidé que si mon projet venait à terme un jour, que je vais tout brûler et que personne n'en profitera jamais.. Dorénavant, je serai entièrement égoïste, et je l’assume..

J'en ai terminé d'être une victime expiatoire de l'idiotie de cette humanité pour laquelle je ne suis, et ne serai toujours, qu'une merde..

mercredi 7 septembre 2011

La nature du fantasme..

Je passais à l'Échange cette semaine et j'ai vu un beau grand livre de 600 pages environ, c'était L'interprétation des rêves de Freud..

J'avais envie de le prendre, mais en même temps, j'ai toujours été réticent à lire les thèses de ce psychologue que je trouvais critiquable et dépassé.. Aussi, les rêves sont pour moi quelque chose d'habituellement tellement futiles, que c'est comme du vent.. Autant dire qu'ils ne représentent rien à mes yeux, et il est rare que je rêve vraiment ou que je sois étonné par mes rêves..

Cependant, le thème m'intéressait en tant qu'«image» entraînant une «pulsion».. Bien entendu, le rêve est différent.. mais lorsque vous vous surprenez à «fantasmer», par exemple, cela peut se rapprocher beaucoup d'un genre de «rêve» éveillé..

En ce sens, ma question est: «pourquoi rêvons-nous?» ou plutôt, plus précisément: «pourquoi fantasmons-nous?»

En général, nous ne sommes pas conscients de l'inusité de nos fantasmes.. Pourquoi donc? -Parce que ce sont des fantasmes qui rentrent dans la «normalité».. autrement dit: ce sont des fantasmes dits «normaux», parce que beaucoup de gens les ont, tout simplement..

Qu'est-ce que j'entends par l'inusité d'un fantasme pourtant «normal»? Le fait que nous n'en sommes pas la source.. Autrement dit, nous n'avons pas le contrôle direct, semble-t-il, sur les produits de notre imagination fantasmatique.. Il est donc étranger à nous, au psychisme conscient, ou parfois même, à notre «identité» (de façade?)..

Par exemple, si je fantasme habituellement sur les femmes, je ne peux pas tout d'un coup fantasmer sur les hommes si je suis hétérosexuel.. Je peux changer l'allure des femmes, les contextes dans mon fantasme, mais pas le genre.. Toutefois, je peux toujours imaginer avoir une relation avec une personne du sexe masculin dans mon fantasme, mais à ce moment-là, l'excitation disparaîtra totalement et il y aura plutôt dégoût et répulsion.. Voilà: c'est la réaction habituelle qu'une personne hétérosexuelle aura en s'amusant à imaginer ce genre de chose..

Le problème qui se pose maintenant est de savoir si cette réaction peut être dite «normale».. Puisque si je suis homosexuel, le fantasme d'une relation sexuelle avec une personne du même sexe que moi produira plutôt une attraction en moi, une excitation, et pourra être dit alors tout autant «normal» que celui de l'hétérosexuel qui s'imagine avec une femme..

En ce sens, la «normalité» exige peut-être une autre définition..

Le domaine du fantasme est tellement vaste lorsqu'on se met à l'explorer, qu'on pourrait le résumer en disant que c'est tout ce qui produit une excitation sexuelle, ou une attraction forte, irrésistible, presque une compulsion..

En fait, l'envie pour un hétérosexuel de faire l'amour avec une femme est aussi irrésistible que pour un homosexuel de faire l'amour avec un homme..

Aujourd'hui on trouve inconcevable, même s'il y en aura toujours pour s'y essayer encore, d'essayer de convertir un homosexuel en hétérosexuel en lui présentant des femmes libres, par exemple, et en lui faisant la morale..

J'ai connu comme ça un fervent catholique qui se sentait tellement coupable d'avoir sucé des queues dans le parc que c'en devenait morbide.. Et moi qui le croyais depuis toujours hétérosexuel!! Je lui ai dit tout simplement qu'il devait plutôt essayer d'accepter sa sexualité.. Mais il ne semblait pas comprendre que l'homme n'a pas le contrôle sur ce qui se passe dans son psychisme.. et que ses fantasmes alors, ne pouvait relever du «contrôlable», c'est-à-dire de sa «volonté».. Et il continuait à se sentir mal..

Si un hétérosexuel ou un homosexuel se mettait du jour au lendemain à avoir des fantasmes d'une nature tout à fait différente, il se demanderait peut-être s'il n'est pas devenu fou.. En ce sens, la détermination du fantasme, sa «stabilité», participe de l'équilibre psychique et mental.. Le déséquilibre fantasmatique pourrait par conséquent entraîner des troubles graves de la personnalité, de l'agressivité, de la violence, de l'incompréhension, etc..

Ce qui par contre devient plus étrange, ce sont les fantasmes à caractère «fétichistes».. Lorsqu'une personne s’aperçoit habituellement qu'elle a un fantasme particulier sur une partie du corps plus précise ou un objet relié au corps, comme un soulier, une culotte ou une brassière, elle ne trouve pas cela bizarre ou étrange: elle se contente de l'imaginer complaisamment et d'en retirer une certaine excitation..

Mais pourquoi la Nature permet-elle d'être excité par autre chose que les spasmes de l'accouplement? Le fantasme du scatophile, par exemple, ne mène pas nécessairement, en bout de ligne, à l'accouplement, à la procréation.. Où se trouve donc l'«utilité», s'il y en a une?

Nous voyons donc ici que la «raison» du fantasme est tout autre que la raison supposée de la Nature qui serait, en principe, la procréation..

Dans l'économie de la Nature, la constante est que les êtres humains sont attirés les uns vers les autres, et que le résultat est parfois la procréation, et parfois, le simple plaisir, aussi pervers puisse-t-il être.. et je pense ici à ceux et celles qui retirent un plaisir de la souffrance des autres (sadiques), ou même, de leur propre souffrance (masochistes)..

Le ou la masochiste est toujours bien couplé(e) avec un ou une sadique.. Par conséquent, le fantasme du voyeur s'accorde bien avec le fantasme de l'exhibitionniste.. Aussi celui ou celle qui adore lécher les pieds et les sentir, sera bien avec une personne qui aime particulièrement se faire caresser cette partie du corps et s'emploie à en toujours bien entretenir la beauté..

Mais la personne qui a ce fantasme particulier sera plus encline à se demander pourquoi possède-t-elle cette «pulsion», puisqu'elle sort de l’«ordinaire», de la normalité et qu'elle n'est pas acceptable socialement de façon générale.. Le modèle le plus acceptable socialement, et peut-être le plus «valorisé», le plus «estimé», c'est celui du couple hétérosexuel qui fait des enfants.. Tout ce qui se situe en dehors de ce modèle rigide touche, au niveau social, à l'«hérésie»..

S'il y a une sexualité dite «normale», c'est bien celle-là..

Cependant, si je pense aux rapports entre l'éraste et l'éromène chez les Grecs, je me demande bien ce qu'il faut en penser.. Socrate lui-même aimait les jeunes garçons.. il convoitait le beau Alcibiade, comme plusieurs d'ailleurs.. Comment se faisait-il que les Grecs acceptaient ce genre de rapports érotiques, alors qu'ils participent pour nous du «tabou» et sont inacceptables, et même, criminalisés..

Personnellement, je désapprouve ce genre de rapports, et je comprends très bien la rage de ceux qui s'en sont retrouvés victimes.. Ce que je me demande par contre, c'est comment le rapport en question peut-il passer pour «acceptable», entres autres, chez les Grecs, ou dans cette ancienne(?) tribu dont parlait un anthropologue et dont je ne décrirai pas le rituel..

La question n'est pas facile à résoudre, et elle participe peut-être même pour nous de l'énigme.. sauf si nous nous penchons sur la conception que nous avons de l'«enfant»..

Il faudrait se demander si les Grecs ne traitaient pas déjà l'enfant en «adulte», plutôt que comme un simple «enfant» qui n'en finit plus d'être enfant, comme aujourd'hui..

On sait par les pays moins favorisés que les enfants travaillent très tôt, et qu'ils se mettent très tôt aussi en penser en adultes.. Par conséquent, les enfants des pays moins favorisés sont souvent, par la situation économique, beaucoup plus matures que les enfants des pays favorisés qui ne connaissent comparativement le marché du travail qu'à un âge relativement avancé.. Nous estimons, la plupart du temps, que ces enfants forcés de travailler plus tôt, n'ont pas d'«enfance», et qu'on leur a pour ainsi dire «volé leur enfance», et nous avons pitié d'eux, avec raison.. Il ne faudrait pas oublier par contre que cette situation de travail précoce était, la plupart du temps, la condition habituelle dans les époques antérieures..

Ainsi, l'âge «adulte» ou de «majorité», a changé selon les époques et les pays.. Parfois ce fut 12 ans (Inde), 13 ans (Espagne), 14 ans (Chine), 16 ans (Canada), et aux États-Unis, le pays le plus avancé technologiquement, je crois que c'est aujourd'hui 18 ans..

Dans ces conditions, il est possible de comprendre la possibilité de l'«acceptabilité» des fantasmes des hommes ou femmes pour des personnes plus «jeunes», comme dans la Grèce antique..

Maintenant, ce qui reste à se demander, concerne ce qu'on pourrait appeler les «désordres pulsionnels graves», par exemple, les fantasmes à caractère sadique conduisant au meurtre, ou les abus sur des enfants, conduisant aussi souvent au meurtre..

Comment ces désordres pulsionnels psychopathologiques sont-ils possibles?

Sont-ils induits (ici je pense à Hitler qui voulait modeler les pulsions), causés par la volonté même de la personne, ou innés, c'est-à-dire «génétiques»?

Nous sommes tous unanimes pour condamner la volonté «mauvaise» d'une personne lorsque ce genre d'événement se produit, mais les agresseurs, qu'ils soient hommes ou femmes, confessent souvent qu'ils avaient des «fantasmes», c'est-à-dire qu'ils s'imaginaient des «scènes», une série d'images conduisant au résultat funeste.. Ces «scènes» s'imposaient à eux, tout comme les scènes érotiques avec une femme pourraient s'imposer à un hétérosexuel dans un moment «chaud», et nous appellerions cela habituellement, tout simplement, un «fantasme» sans aucune malignité..

La question à se poser qui est plus importante et plus urgente, puisque nous avons posé par principe que le fantasme n'est pas soumis au contrôle de la volonté du sujet, est: «est-ce que les «désordres pulsionnels graves» peuvent alors être «induits»?»

Il faut prendre conscience de l'enjeu de cette question qui est risquée et peut entraîner des glissements.. Par exemple: si je lis Les 120 journées de Sodome de Sade et que je commence à avoir des fantasmes qui correspondent à ce qui est décrit dans le livre, est-ce que je dois considérer que je commence à avoir des «troubles mentaux» et le signaler aux autorités compétentes?

La réponse, bien entendue, relève de votre jugement, et de la délimitation établie entre la fiction ou l'«art» et la réalité.. On sait que l'art peut aller loin des fois.. Il n'y a qu'à penser au film Irréversible avec sa scène de viol d'une violence inouïe jouée par Monica Bellucci.. À moins que ces fantasmes s'imposent à vous avec une force irrésistible et vous poussent à vraiment commettre des gestes répréhensibles..

Ce que je veux dire, c'est qu'il faut tenir compte de la notion d’«équilibre mental».. L'équilibre mental est un peu comme l'équilibre nutritif: il n'est pas tout composé de bonnes choses.. De même, l'équilibre économique est composé de forces qui «exploitent», qui sont souvent vues comme blâmables ou difficiles à justifier, et d'autres qui sont «exploitées», les bons travailleurs.. Freud parlerait peut-être d'équilibre entre Éros et Thanatos: un équilibre entre la «pulsion de vie» et la «pulsion de mort»..

Si nous nous mettons à abolir ou censurer des œuvres comme celles du Marquis de Sade, il n'y aura plus de limites à ce que nous procédions avec le reste, c'est-à-dire: le cinéma, la télévision (s'il fallait écouter le philosophe Bernard Stiegler), la musique, l'art en général et la littérature.. Nous glisserions alors dans une sorte de totalitarisme culturel.. Mais l’œuvre du Marquis de Sade n'est pas pour autant justifiée, et encore moins louable.. Loin de là..

Ce que j'aimerais dire, c'est que nous n'avons pas nécessairement le contrôle sur ce qui nous passe par la tête, mais que c'est clairement l'excès qui mène à la «pathologie».. Et cela peut être autant un excès «bon» que «mauvais».. Par exemple, si j'aime une personne à la folie, mais que celle-ci ne m'aime pas en retour, cela pourrait devenir une obsession malsaine qui détruit mon existence.. Cependant, si les désordres pulsionnels graves sont causés par les «gènes», c'est-à-dire qu'ils sont inscrits dans la personne à la naissance même, tout ce que j'ai dit précédemment n'est plus valable.. Il resterait encore à se demander pourquoi la Nature produit-elle de tels monstres.. Ne serait-ce pas une «injustice» fondamentale?

Bref, la norme sociale nous pousse à épouser l'idée d'une uniformité psychique et à l'afficher ouvertement d'autant plus qu'elle est inconsciemment hypocrite, mais ce que celle-ci cache, ce sont les zones d'ombres créées par elle-même: notre mental collectif est en réalité loin d'être «normal», comme nous aimerions l'imaginer lorsque nous remplissons les petites cases de Facebook et nous pliions aux grilles imposées à notre mental et à notre «identité», en réalité, entièrement «de série» dès le départ..

Nous sursautons à la mention de «totalitarisme culturel», mais le «totalitarisme psychique», recherché par l’industrie pharmaceutique et les médias sociaux, nous laisse indifférents, puisque nous ne l'apercevons pas en raison de notre suffisance technologique, culturelle, etc.. Notre croyance fondamentale est que nous sommes les «meilleurs», et nous voulons que tout le monde pense comme nous.. Les médias nous confirment dans notre idée et notre attitude condescendante à tout instant envers ceux qui ont «moins» matériellement et qui ne vivent pas dans le «confort»..

Le but de tout cela ne peut être qu'une lutte pour le pouvoir en briguant l'imagination, ou le pouvoir imaginatif, ou le fantasme, en vue de la «pensée unique».. Il reste que l'entreprise est difficile, mais toujours vouée à l'échec dans ses conséquences indirectement fatales.. Ce serait comme de vouloir tuer tous les germes: nous finirions par nous tuer nous-mêmes à force de vouloir sauver tout le monde.. Ce qui est assez tragi-comique au fond.. Comme ces généticiens qui ont cloné la vache «parfaite», mais qui est aussi, par conséquent, indistinctement vulnérable à une forme de bactérie pouvant entraîner l'extinction complète de la race..

La volonté d'«unité», de «pureté» même et de «perfection», derrière sa beauté et son «plein de sens» apparent, n'est en réalité qu'une «volonté de pouvoir», autrement dit, une «volonté de puissance» déplacée (Wille zur Macht) dans un univers administratif implacable, et ici, on pourrait commencer à parler de Nietzsche et du livre de Marcuse, L'homme unidimensionnel, qui date un peu d'après Honneth et Habermas, mais je réserverai ce sujet pour une autre fois..

mardi 6 septembre 2011

13. L'audace des Romains..

Je lisais hier soir l'histoire de la fondation de Rome racontée par Tite-Live et j'ai été étonné par l'audace et la ruse des Romains..

Romulus, fondateur de la ville de Rome dans la région du Palatin en 753 av. J.-C., ouvrit un asile «où une foule disparate faite d'esclaves et d'hommes libres, et désireuse de changer d'existence, s'y réfugia. Rassuré sur les ressources en hommes, Romulus forma un sénat de cent membres.. ceux-ci devinrent les pères et leurs descendants, les patriciens..»

Romulus avait ainsi réussi à peupler le territoire où il avait grandi avec son frère Rémus.. Mais un autre problème menaçait la survie de la ville à plus ou moins long terme: le manque de femmes..

Les ambassadeurs de Rome demandèrent aux peuples voisins de former avec eux des traités reconnaissant le droit de mariage, mais tous refusèrent, car ils voyaient en Rome, cette ville grandissante, une menace..

Les Romains, cependant, trouvèrent un moyen de parvenir à leurs fins..

Romulus organisa donc des Jeux solennels en l'honneur de Neptune équestre et fit savoir que les peuples voisins étaient invités au spectacle.. Les Romains, «avec les moyens et les techniques de l'époque, mettaient tout en œuvre pour que ces Jeux fassent date et soient attendus avec impatience..»

La journée tant attendue, les peuples voisins arrivèrent en foule, il y eut beaucoup de monde..

Or, le spectacle commença, «et lorsqu'il accapara toute l'attention, on lança l'attaque selon le plan convenu.. Au signal, les jeunes Romains se précipitèrent pour enlever les jeunes filles.. La plupart des enlèvements se firent au hasard des rencontres..»

Les parents des jeunes filles protestèrent qu'ils avaient été odieusement et perfidement trompés.. aussi s'en plaignirent-ils au très réputé roi des Sabins.. Les ravisseurs de leur côté cherchaient à gagner les faveurs de celles qui furent prises «en prétendant avoir agi sous l'empire de la passion; or ce sont là des arguments très puissants pour vaincre la résistance des femmes..»

Les peuples offensés s'organisèrent donc pour faire la guerre à Rome, mais Romulus et ses hommes vinrent, au fil du temps, à bout de chacun.. Finalement, les Sabins attaquèrent Rome pour la dernière fois, et ce fut de loin la guerre la plus importante..

Cependant, après diverses péripéties, lors de l'affrontement final et décisif, «les Sabines dont l'enlèvement avait causé cette guerre, après avoir dénoué leurs cheveux et déchirés leurs vêtements, osèrent, tant la douleur l'emportait sur la peur naturelle aux femmes, s'avancer au milieu des traits qui volaient.. Elles se précipitèrent au milieu du champ de bataille, séparant les armées en ligne, séparant les ressentiments..»

Mais pourquoi donc vinrent-elles ainsi à la défense de ceux qui furent d'abord leurs ravisseurs? -Parce que les préparations à la guerre prirent un certain temps et que les unions avaient déjà porté fruits.. Y a pas à dire: les Romains devaient avoir le charme de l'audace!

Ainsi, «elles suppliaient tour à tour leur père et leur mari de ne pas se couvrir par un crime affreux du sang d'un gendre ou d'un beau-père, de ne pas souiller par le meurtre de leurs parents les enfants qu'elles avaient mis au monde, leurs petits-fils ou leurs fils..»

La scène, toujours selon Tite-Live, «émut à la fois les soldats et les chefs.. Le silence s'établit soudain et on cessa de se battre.. Les chefs s'avancèrent donc pour conclure un accord.. Ils firent la paix et décidèrent en outre de réunir les deux états; le pouvoir royal fut partagé et le gouvernement concentré à Rome. La Ville avait ainsi doublé..» 

Après deux autres guerres contre des peuples voisins qui se terminèrent en faveur de Rome, l'État que Romulus avait créé «était désormais assez fort pour vivre en paix pendant quarante ans sans interruption..»

Or, après un rapt initial, événement illégitime qui conduisit à plusieurs péripéties, la population de Rome pouvait dorénavant croître sans problème, acquérir une force irrésistible et asseoir sa domination..

Et c'est ainsi que l'utilisation de la force et l'audace furent, au bout du compte, «justifiées», «légitimées»..

La force justifiée par la force: un véritable coup de force.. ou plutôt, un coup d'audace incroyable..

vendredi 2 septembre 2011

14. Le pain et la Révolution française..

Comme d'habitude je n'ai pas grand-chose à dire.. De ces temps-ci j'attends, disons, d'être fixé sur certaines choses..

Plusieurs affaires semblent comme être «entre-deux»..

Je commence une trentaine de livres en même temps, de l'histoire surtout.. je suis fasciné par le Moyen-Âge et la Rome antique.. J'ai délaissé plus ou moins la philosophie, temporairement.. Il n'y a pas que  les idées qui meuvent les individus et l'histoire, il y a d'autres facteurs.. Par exemple, l'année de la Révolution française, la situation économique était absolument désastreuse.. Bien sûr, il y avait eu accumulation d'insatisfactions tout au long des années.. le peuple et la bourgeoisie haïssaient l'aristocratie.. Ils trouvaient les nobles inutiles, ils ne comprenaient pas leur place, leurs privilèges injustifiés..

Quand je parle de situation économique critique, par exemple, le prix du blé a augmenté durant la période 1785-89 de 127%.. Et le prix du bois du bois à brûler lui, de 91%.. Le coût de la vie augmente en général de plus de 60%.. À la veille de 1789, selon Soboul, la part du pain dans le budget populaire constituait déjà 58%; en 1789, elle fut portée à 88% : il ne restait plus que 12% de revenu pour les autres dépenses.. Le pouvoir d'achat ouvrier équivalait à environ dix livres de pain, soit 20 sous.. Imaginez.. Les gens étaient déjà pauvres et affamés.. Il ne fallait rien de plus pour que tout explose..

Une autre chose que j'ai apprise en lisant Marx, c'est que le pain en Angleterre était coupé avec toutes sortes de choses, comme on fait pour la drogue aujourd'hui.. Le pain devait subir le même sort en France, et encore plus s'il valait une fortune comme à cette époque.. Des gens s'empoisonnaient même parfois.. On y était allé un peu trop fort sur la coupe..

Bref, trêve de blabla ce matin, je continue mes lectures..