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«Je n'ai qu'une passion: celle qui me permet d'être libre sous le joug, content dans la peine, riche dans la nécessité et vivant dans la mort.» Giordano Bruno

mercredi 24 février 2010

La pensée reptilienne du capitalisme

Des fois, on est mieux de se conter des histoires. Qu'une force supérieure nous protège dans les moments critiques, etc. On ne s'en sort jamais avec sa propre intelligence, sa vitalité ou sa force de volonté... On n'est pas assez bon pour s'accorder un peu d'estime et de mérite. Il faut toujours s'en faire accroire. Pourquoi?

On le sait bien qu'un papillon ça ne se fait pas tout seul. C'est sûrement pas l'évolution qui produira des résultats pareils, puisque les forces vont toujours en se désorganisant au lieu de s'organiser et de se complexifier : on appelle ça l'entropie. Alors, on se dit que c'est un bon Dieu qui a fait cela, et pourquoi donc un «bon Dieu», pourquoi pas des gens comme nous? Est-ce si compliqué que ça de faire un papillon alors que nous commençons à jouer avec les gènes des plantes et des animaux et des humains pour faire des transformations jamais vues auparavant?

Plus ça va et plus je me dis que la vie n'a aucun mystère. La nature tout entière ressemble à un jeu. Personne ne connaît vraiment les règles, mais nous les découvrons en poussant le jeu à ses limites, et nous faisons aussi partie, dangereusement, du jeu. Nous ne connaissons pas vraiment notre rôle ni nos limites, et nous expérimentons les grands systèmes avec nos technologies invasives. D'un point de vue économique, le communisme est un échec fulgurant, et le capitalisme, même s'il réussit à créer un boom sur le coup, ressemble de plus en plus à ce qui deviendra un échec retentissant, colossal et même sidéral. Le capitalisme ne peut pas être un plan de société, mais il peut être un très bon plan pour jouer à Pac Man. Ses règles sont trop simples et primitives, et ne tiennent pas compte de la réalité, de l'environnement, de la justice et du bien-être  : accumuler et écraser l'autre : on se croirait dans la tête d'un reptile, et c'est pourquoi j'appelle la «pensée capitaliste» la pensée reptilienne.

jeudi 18 février 2010

Mon expérience porn ou le sexe analytique

Je ne pensais jamais atteindre un jour un sommet de platitude et d'écoeurement porn. Eh bien, c'est fait. Depuis quelques semaines, ou peut-être même quelques mois, je tourne en rond dans mes sites habituels et je ne trouve rien de bon. Absolument rien. Alors, je revisionne des anciens clips, mais un gars s'écoeure à un moment donné, alors j'arrête le tout et je recommence à faire aller mon imagination : retour au bon vieux temps où je m'assoyais sur le bord du lit ou du bain pour me branler.

Je n'ai même pas envie d'aller voir ailleurs. On dirait que quand on se promène sur le Net, on finit toujours par revenir au même point. C'est du pareil au même sur tous les sites : de la pub, de la pub, de la pub, des pop-ups et des virus à pu finir. Les mêmes acteurs cuculs, les mêmes scénarios, les mêmes répliques, les mêmes prises de vue stupides : pu capable. Les pornographes industriels font même des imitations de porno amateure. Je le détecte immédiatement et je change de clip. Souvent, juste par l'image de présentation du clip je sais d'avance que c'est du faux amateur. Ça donne la nausée.

Tout est compartimenté : ainsi dans aucun film vous ne verrez les pieds de la fille, elle aura toujours des chaussures ou des bas, parce qu'il y a des films spécialement dédiés aux pieds. Le problème, c'est que dans ces films où on voit très bien les pieds, on n'a pas les prises de vue plus intéressantes sur le cul des films précédents, aussi le gars aura une petite queue et il ne viendra pas dans la bouche de la fille, parce qu'il y a d'autres films dédiés spécialement aux grosses queues et d'autres encore spécialement dédiés aux éjaculations dans la bouche, mais aucun qui n'est dédié tout à la fois aux prises de vue intéressantes sur le cul, aux pieds, aux grosses queues et aux éjaculations dans la bouche. Ainsi, d'une façon ou d'une autre, on n'a jamais ce qu'on veut dans un même film, il faut en acheter dix : c'est pensé pour la business, et j'appelle ça du sexe découpé en morceaux ou vendu à la pièce, du sexe analytique.

Vraiment, la merde est partout aujourd'hui, et l'industrie contrôle tout. Si des personnes consentantes mettent une vidéo amateure de leurs ébats, elle est tout de suite noyée dans les listes, puisque comme je l'ai vérifié à maintes reprises, les nouveautés qui ne proviennent pas de l'industrie se retrouvent quelque part dans les listes, mais pas au début comme ce devrait l'être. Ce sont d'ailleurs toujours les mêmes films industriels qui reviennent dans les top listes, qui sont, finalement, truquées.

Insipidité totale de l'existence

Insipidité totale de l'existence. Envie de rien, même pas de sexe. Rien ne m'excite, rien n'anime mon esprit, mes fantasmes, tout est plat. J'enfile les livres indifféremment comme des tranches de jambon froid, ça ne me fait ni chaud ni froid. Je me dis à quoi bon? à quoi bon? En effet, à quoi bon tout savoir? À quoi bon en savoir plus sur cet Heidegger qui fut longtemps mon inspiration philosophique? Il est bien possible qu'il ait été effectivement nazi jusqu'au bout des ongles, et jusqu'à la fin de sa fin, et que toute son oeuvre ne soit que la radicalisation de la doctrine nazie, mais bien voilée, bien dissimulée. Est-il possible alors que j'ai fait tout ce travail en vain? Que je me sois fait fourrer par ce filou germanique en culottes courtes? C'est possible. J'ai alors un foutu nazi qui occupe presque le tiers de ma bibliothèque, et une bonne partie de mon esprit. J'intitulerais ma thèse : «Être et temps perdu», pensée perdue, argent perdu, tout ce que vous voulez. Après tout, lorsque j'y pense, je savais depuis longtemps que sa femme avait été antisémite. Comment est-il possible de rester toute une vie avec une femme antisémite si on n'est pas soi-même antisémite? C'est ce qui pour moi, aujourd'hui, fait pencher la balance en faveur de la thèse d'Emmanuel Faye. Ce Heidegger est alors loin d'être un penseur «cosmique», mais bien «terre-à-terre». Toutes ces années perdues à l'étudier. Ce n'est qu'un ramassis de merde nazie? Au fond, pendant toutes ces années, je n'ai jamais fait de philosophie. Je n'ai fait que me faire bourrer le crâne de charabia assez abstrait ne permettant à personne de savoir de quoi l'on parlait vraiment. Moi-même je devenais un expert en charabia et je m'en servais comme d'un Sieg Heil! Je ne sais pas ce que je vais faire, je vais peut-être me recycler dans le jardinage ou le macramé. Je vais réfléchir sur ce fait qui m'a échappé pendant toutes ces années de bûchage universitaire : il n'y a pas de pensée neutre, et surtout pas en philosophie, et cet autre fait : il n'y a pas de philosophie, mais que des intérêts individuels déguisés en philosophie. Fais attention à l'abstraction et essaie de voir l'intention générale qui est derrière tout ça. Et surtout, surtout, surtout, intéresse-toi donc de plus près à ceux qui essaient de te passer leur camelote. Mais bon, j'ai dit que je penchais en faveur de la thèse de Faye, je n'ai pas dit que j'étais entièrement d'accord. C'est ce qui est fatigant avec Heidegger : on doit toujours scruter à la loupe le moindre de ses propos. On n'en finit jamais avec la question de son nazisme; il y a plein de preuves pour, plein de preuves contre, sur le fait qu'il a changé d'idée, etc., ou encore qu'il est resté le même, mais qu'il a dissimulé davantage sa pensée par la suite, etc. Faut voir. 

mardi 16 février 2010

Début du «Journal du Rien»

Une journée où je n'ai rien à faire, où je suis écoeuré de tout, et où je me sens complètement inutile. C'est durant ces journées-là qu'on va à la banque. Alors, je suis allé à la banque. Activer ma carte de crédit. Tout en savant pertinemment que ça ne sert à rien, puisqu'elle est déjà surchargée. Ceux qui me courent après pour avoir leur dû devront attendre un peu, le temps que je reprenne mon souffle et que je me refinance. Tant qu'à dépenser un ticket de bus, j'ai décidé de descendre jusque sur Mont-Royal pour faire un peu le tour des bouquineries, j'avais d'ailleurs vu hier un livre de Leopardi et je l'aurais peut-être acheté; je prévoyais prendre moins de deux heures, le temps limite pour les correspondances, et revenir chez moi avec le même ticket . En montant l'escalier du métro, je pense, je tourne en rond comme une mouche dans un bocal. À ma sortie de la station, je remarque le ciel morose : j'aime ça. À l'image de ce que je ressens en moi. Je lève ma tête et je regarde au midi en sondant le ciel, ce sont les limites de mon champ visuel, me dis-je, je baigne dans l'infini et non un jeu vidéo, mais je suis pris dans un monde régional; nous sommes ouverts sur le monde avec l'Internet, mais nous continuons de nous parler entre nous, dans notre petit monde, parce que nous nous comprenons, parce que nous comprenons la même langue. Partout des obstacles se dressent à l'unification des gens, de l'humanité. Où allons-nous? En effet, les différentes langues constituent quand même une barrière assez importante à la compréhension mutuelle. En marchant, une pensée me vient alors que j'observe les gens et remarque qu'ils marchent en tout sens, j'écris déjà la pensée dans ma tête : Je marche toujours en tout sens, alors que c'est seulement quand je ne vais nulle part que je trouve, vraiment? Je me sens libre et mon pas est lent, j'observe comme un témoin impartial, mais pas pour longtemps. À un certain moment, j'ai remarqué que je marchais plus vite, comme pressé, je marche plus vite, me dis-je, pourquoi? Qu'est-ce qui venait perturber mon calme méditatif? C'est que j'avais un «but» depuis quelques secondes, je me dirige quelque part, me dis-je, mais où? Il n'y avait nulle part où aller ni rien de pressant, alors j'ai ralenti le pas. J'ai décidé d'aller acheter un calepin et un stylo pour noter mes pensées, avec l'intention de faire un stop au café et écrire un peu, en sirotant un espresso double, comme à l'habitude. C'est à partir de ce moment que j'ai commencé à avoir des problèmes. Premièrement, je ne trouvais pas le calepin que je voulais, puis, j'ai foutu là mon second choix et le stylo et suis parti sans rien acheter. J'ai pensé, mais je dois quand même noter mes pensées, à ma sortie du magasin. J'ai été plus bas, et là j'ai trouvé à force de fouiller un calepin pas cher et à mon goût, c'est-à-dire : simplicité et efficacité. À ma sortie du magasin, il était trop tard : l'inspiration avait disparu. J'ai pris trop de temps à chercher, me dis-je, et je le savais alors que je cherchais. J'ai donc immédiatement griffonné quelques mots sans importance, question de ne pas avoir fait tout cela pour rien, et je me suis planté là, au café, la tête vide, me faisant penser à l'image de Bouddha du vieux héron qui dépérissait près d'un lac sans poissons...

lundi 15 février 2010

Un mot sur l'amour

Ce billet fait écho à celui de Gab sur son blog Je devrais écrire. Ce n'est pas une attaque, mais seulement l'expression de mon point de vue.

J'ai été longtemps autoanalysant, c'est-à-dire que je jouais au jeu de l'introspection des psychologues et de la psy pop qui envahit toutes les sphères de notre vie (aujourd'hui j'appelle ça jouer à l'autruche, mais en soi-même). Ça fait objectif, scientifique et intelligent, et surtout neutre et froid : je cherche les motifs qui me font agir, je veux connaître les causes de telle émotion, telle excitation, telle pensée, etc., et je me nourris par conséquent de moulte biologisme et psychologisme faisant de moi un animal entièrement déterminé qu'on plogue et déplogue comme un réfrigérateur. Cependant, après avoir «tout» analysé (attention, vertige!), l'autoanalysant aura au moins oublié d'analyser ce tic nerveux qu'est devenue aujourd'hui cette autoanalyse de merde à la Freud.

C'est lorsqu'il y a un problème avec la mécanique qu'on cherche à savoir comment ça marche, autrement, tout va comme sur des roulettes, et normalement, tout devrait aller comme sur des roulettes. Au moment où je n'avais aucun motif d'agir et aucune volonté, je cherchais les motifs qui me faisaient agir, et si j'en avais des restants, ils ont été proprement réduits en miettes. Même chose pour tout ce qui se rattache à l'amour et aux émotions, fortes ou pas. On veut savoir pourquoi on pleure, pourquoi on rit, pourquoi on aime, pourquoi on bande. Le biologiste et le psychologue sont contents là, parce qu'ils vont avoir un nouveau client à grinder. C'est pas compliqué : on tue l'amour quand on en cherche les causes jusqu'au bout, et on tue aussi la volonté. Pourquoi? Parce qu'on les réduit à de simples «causes» toujours, au bout du compte, inventées par soi-même, dans un schéma de causalité où tout n'est que matière plate et banale et prévisible et sans valeur autre que mercantile ou énergétique. Comment puis-je voir cela autrement que comme un symptôme d'autodestruction typique de notre époque? Chérie, je t'aime parce que tu causes une libération de dopamine dans mon cerveau, et que ton bassin est de la taille idéale pour faire des bébés !?

Mon objection à toute cette rage de se réduire en miettes et en ramassis de boyaux en évolution c'est : on ne sait jamais totalement pourquoi on aime, ni pourquoi on veut. Oubliez les hormones, les phéromones, la sélection des «plus forts» et les stupides théories évolutionnistes, et surtout ce ridicule et excité Richard Dawkins (probablement un prêtre dans le placard) qui passe son temps à nier l'existence de Dieu, autrement dit, d'une chose farfelue qu'il ne peut objectivement ni nier ni affirmer, tout autant que les anges, les Loas, Sammonocodom, ou autres conneries.

Pour finir : comment peut-on réfuter avec des raisons ce qu'une personne croit sans raisons? (avertissement : cette dernière phrase constitue une digression totale) Le racine du problème n'est pas la croyance même, mais le fait de croire. Qu'est-ce qui nous pousse à avoir ce genre de croyances, pourquoi croit-on, comment croyons-nous, et surtout, pourquoi veut-on croire? Il faudrait s'intéresser davantage au phénomène de la croyance de type religieux, ou plus généralement, de la croyance à des motifs premiers et à des fins dernières destinés à orienter et donner un sens à l'action dans le cadre plus général d'une interprétation du monde. En ce sens, Dawkins ne résout en rien le problème, il ne fait que rejeter ces croyances comme telles, sans s'intéresser au phénomène, pour mieux se draper dans ses extrapolations évolutionnistes qui ne sont finalement que d'autres croyances, mais à saveur scientifique.

dimanche 14 février 2010

Je n'ai jamais été gay

C'était le plus beau danseur, toutes les filles capotaient dessus, et je les comprenais. Le seul hic, c'est qu'il aimait les hommes. Alors, une fois que ça allait mal avec son «chum», il m'appelle et veut me rendre «visite». Je comprends bien que je suis sur le point de coucher avec un des plus beaux gars de Montréal, je me dis que ça va être le fun, etc. Dans le temps, je couchais avec tout ce qui bouge, comme Mike, la coke aidant. Il arrive chez moi, se déshabille, beau corps, sculpté, bronzé, beaux cheveux longs bruns, pas efféminé : on necke, on se caresse pour faire monter l'excitation. Mais je ne sais pas pourquoi, je n'arrivais pas à bander : j'ai compris par la suite, après avoir tout analysé et cherché ce qui n'allait pas, que je n'aimais pas les culs de gars. Il s'est rhabillé et est reparti bredouille, alors que j'étais stupéfait par mon incapacité. Non : son cul de gars ne me faisait pas bander, et c'est ce qui faisait que je n'étais pas gay. J'ai répété l'expérience plusieurs fois et ça n'a toujours pas levé, moi qui voulais être gay à l'époque, je trouvais ça excitant l'interdit. Seul un cul de femme pouvait faire bander ma queue et me donner envie de fourrer. J'ai fini par comprendre, je suis retourné aux femmes et j'ai eu un succès boeuf.

samedi 13 février 2010

Abolir les Olympiques

J'ai lu sur le Net qu'il y a eu une gaffe à l'allumage des torches gigantesques : une d'elles n'a pas fonctionné. Je trouve ça plus drôle qu'autre chose, et en même temps, bien mérité. Why? Parce que je trouve que ces gros shows ont maintenant plus à voir avec Star Warts qu'avec les Olympiques. C'est pas compliqué, à cause de l'excès d'effets spéciaux j'ai tout simplement décroché depuis longtemps de tout ça. Je trouve ces spectacles extrêmement ennuyants, c'est presque de la torture visuelle et mentale de vidité nulle éclairagesque, et je m'endors au bout de deux minutes, pas plus. Après trois minutes, je sors mon revolver et je tire dans la tévé, comme Hellvis.

lundi 8 février 2010

La solitude des hôtels de passe


Je me souviens des années où j'ai habité dans des hôtels de passe. Lits inconfortables, raides, trafic et bruits constants, tapis à poils courts, rudes et vieux, usés, troués par endroits, fenêtres sales, éclairage oblique, meubles de fortune, draps troués, peinture défraîchie, odeurs de cigarette, d'alcool, d'humidité, etc. Je me sentais perdu là-dedans, je n'avais plus de vie. On pouvait entendre des chambres avoisinantes la putain qui faisait sa passe. Seul dans le noir dans mon lit, je fantasmais dans les décombres, entouré de vêtements sales, de cendriers remplis, de maquillage et de parfum. Ça sentait les poules à la recherche d'un client. Puis, les putains arrivaient dans la chambre avec leur tonne de came. C'était toujours la fête, et je n'avais pas le temps de me remettre de plusieurs heures de buzz, voire des jours, qu'on m'en refoutait. J'étais accro. Accro de tout, de la drogue, de la nuit, du sexe, des hôtels miteux, de la descente aux enfers et de la volupté des dépotoirs. On vient à aimer le vice pour le vice, l'esprit se tord, le corps aussi, on devient fou. Puis, on s'enfuit... On s'enfuit loin de tout ça en espérant ne plus jamais revenir. On laisse les amours derrière, on se sauve entre deux clients, on laisse tomber celle qui voulait tout arrêter et refaire sa vie avec soi, on brise l'espoir comme un salaud, même si on sait qu'il y aura des pleurs cette nuit-là.

Dureté et sexualité

J'ai compris ce matin en me levant J'ai été dur et cruel. J'ai compris que si j'avais eu certains problèmes, c'était bien, c'était une bonne chose pour moi, quelque chose se devait de me ralentir, de me refroidir, de me faire désespérer; j'étais peut-être mieux sans but et de tourner en rond dans la sexualité débridée. J'étais trop méchant, mais je ne m'en rendais même pas compte. J'étais même méchant et cruel envers moi-même. Je l'ai été toute ma vie. Comme ça. Toute ma vie, un massacre de moi-même et des autres. Je ne sais pas si c'est parce que ma mère est partie trop tôt, c'est peut-être possible, en tout cas, elle aurait pu au moins servir à freiner mes élans d'impitoyabilité. Tous les enfants sont plus ou moins cruels, et je crois toujours que j'étais un enfant particulièrement doux comparé aux autres, mais lorsque j'y repense il m'arrive souvent de me dire J'ai fait ça moi? et Comment ai-je pu faire ça? et Je n'ai même pas rien ressenti en le faisant. Oui, j'étais méchant; je n'avais pas de conscience. J'étais indifférent à la douleur qui n'était pas mienne. Ceux qui souffraient étaient pour moi des faibles. Plus tard, dans ma maturité, c'était ambigu, mais je voulais mourir, et j'aurais accepté que le plus fort seulement l'emporte même si j'avais à souffrir ou à périr. Que le plus fort l'emporte, pensais-je à cette époque. Je n'en avais plus rien à foutre de moi. Pourquoi tant de violence en moi-même et contre moi-même? On me dira La violence c'est la vie, oui bien sûr, mais je n'en veux plus de cette vie là. Les femmes aiment les guerriers, et j'ai toujours été raide. Elles le rejettent autrement comme un faible. Elles ne peuvent pas aimer une queue molle ou un lâche, et ce sont pratiquement des synonymes. Ma sexualité a toujours été très forte et je l'ai souvent ressenti comme une violence exercée envers moi-même, au point où je voulais me couper la queue. Je ne m'en plains pas, mais je ne comprends pas les hommes mollasses et ambigus et assis entre deux chaises. Ce que je déteste le plus ce sont les hommes qui hésitent : au pire casse-toi la gueule, tu auras au moins essayé. Essaie, ose, teste tes limites, soit audacieux, courageux, ou peut-être méchant, mais pas trop quand même. Soit fair-play : notion que j'ai apprise tout récemment. Pour bander, il faut une certaine envie de prendre. Les mollasses ne l'ont pas ça. Ce n'est pas avec des mains molles qu'on prend une situation en main, ou même, des hanches. J'étais trop sauvage, je me suis calmé. J'ai essayé un peu de tuer la vie en moi. De voir la femme comme une fleur, et non une pièce de viande à enfiler. Mais c'est plus fort que moi : je domine sans même m'en rendre compte. Je domine, mais avec une conscience, et j'ai souvent mauvaise conscience. C'est ça qui a changé avec le temps et la maturité : je suis devenu plus tendre. Je me souviens de certaines étapes de ma vie où je suis devenu plus tendre et aimant d'un coup, parce que j'avais observé et j'avais compris quelque chose : les yeux me parlaient. J'avais compris la douleur des autres. J'avais compris le mal que je faisais. J'avais ressenti la souffrance que je causais aux autres comme si c'était la mienne. Je voyais surtout le courage qu'il y avait à rester là à souffrir sans rien dire, sans se plaindre. Oui, j'étais un crisse de sale. Je l'ai compris d'un coup et ça m'a tué. J'ai encore des progrès à faire sur le plan humain, je ne suis pas parfait.

samedi 6 février 2010

Sens de la vie et plaisir

Ma deuxième pensée à ma sortie du bus : sens et plaisir vont ensemble. Une vie qui a du sens est «nécessairement» une vie heureuse. Le «sens de la vie» implique donc le plaisir à un haut degré, mais inversement, le plaisir seul n'implique pas que notre vie ait un sens : elle peut être désordonnée, etc., courant de plaisir en plaisir sans plan de vie ou d'accomplissements importants à part celui de satisfaire ses petits plaisirs faciles et immédiats, comme écraser un Wippet et le manger ou gagner aux jeux vidéo.

Donc, connexion forte du sens vers le plaisir, mais non du plaisir vers le sens. Mais il faudrait aussi examiner de plus près ce que nous entendons par «plaisir», quelle sorte de plaisir, sa qualité, sa structure, etc. Par exemple, on s'en doute, le plaisir de manger un Big Maque n'est pas le même que d'apprécier un concerto de Chopin. Il y a des plaisirs plus complexes que d'autres, mais lesquels donnent le plus de satisfaction dans la vie? Autre problème : il y a aussi beaucoup de plaisir dans une certaine douleur, comment l'expliquer et quoi en faire? L'«unicité» du sens devient alors une question pratiquement insoluble.

La mort : un événement non-naturel

J'étais dans le bus entouré de personnes d'un «certain âge» et je pensais au ratatinement, à l'inutilité des rides, et j'observais plus particulièrement et dans le détail les rides entourant la bouche d'une madame qui regardait sénilement vers l'avant du bus, me laissant tout le loisir de la regarder, elle. Je trouvais ça laid et inutile et obscène, et je me disais que je m'en allais , mais je n'arrivais pas à y croire en même temps. Je me demandais ce qu'il pouvait y avoir de plaisant à embrasser une bouche ornée de sillons creusés au soc du temps (attention, métaphore!). Je n'arrivais pas à croire que nous servons probablement à quelque chose (mais quoi ultimement?), et qu'après avoir servi pendant un certain temps, on fanait, on pourrissait, et on devenait de trop, une simple relique de nous-même, un vestige vivant carcassier de la force que nous incarnions. Ce n'est pas la vie ça, ça ne peut pas être la vie, en tout cas, pas telle que je la conçois en moi. En moi, je nous vois comme des dieux, comme éternels, comme beaux et heureux pour l'éternité, et surtout, libres de nous déplacer partout dans l'espace, partout dans l'univers. Je nous vois comme des dieux pour qui rien n'est impossible. À part mes petits soucis d'argent, je ne vois pas pourquoi je voudrais que ma vie s'arrête un jour : je ne vois aucune raison positive pour renoncer à la vie éternelle, et je ne crois pas qu'il soit possible à personne d'en avoir jamais, par exemple, le bonhomme arrivé à 89 ans et qui s'installe dans son fauteuil et qui dirait : «Ah oui, j'en ai fait assez là, il est temps que je parte... Allez, au revoir», et accepte de mourir gentiment dans son lit le soir venu, comme dans les films mélodramatiques. Non, non, non et non : je persiste à croire que cette fameuse étape de «vieillesse et mort» est arrangée, programmée et qu'elle ne devrait pas avoir lieu. Cette étape ne correspond pas à ce qui se passe dans nos têtes, et nous ne le savons pas pour l'instant, mais alors que nous acceptons de mourir comme des idiots parce que c'est un événement «naturel», il y a peut-être d'autres êtres vivants dans l'univers qui n'ont jamais connu la mort et ne savent pas c'est quoi : ils se pourraient donc ainsi qu'ils ne puissent pas nous comprendre nous ni notre monde, et qu'ils soient tout naturellement et normalement, ce que nous appelons des «dieux». Lorsqu'il leur arrive de nous observer en vaisseau spatial, ils doivent se dire entre eux : «Maudit qu'ils perdent leur temps ceux-là! Et vite en plus!»

C'est la première pensée qui m'est venue ce matin dans le bus.